Armel Le Bail
Laboratoire des Fluorures, URA-CNRS-449, Université
du Maine, 72017 Le Mans
Jusqu'à il y a peu, les réseaux tridimensionnels d'octaèdres
connectés exclusivement par sommets montraient un nombre très
limité de possibilités de combinaison des anneaux de base
(à 3, 4, 5, 6 octaèdres). Les briques 3D qui, assemblées,
construisaient les composés de formulation AB3 étaient
des tetraèdres d'octaèdres 34 (notation signalant
4 faces comportant 3 arètes), des prismes (d'octaèdres) à
base triangulaire 3243, carrée 46
(cube), pentagonale 4552, hexagonale 4662,
et enfin des polyèdres de Friauf 3464 (cage
de la structure pyrochlore, la plus volumineuse, en forme de tétraèdre
tronqué à ses 4 sommets). C'était un monde somme toute
très limité si on le compare à celui des réseaux
3D 4-connectés (zéolithes, polymorphes de SiO2).
Il est vrai que les anneaux de base peuvent atteindre 12 tétraèdres
dans les zéolithes.
Les synthèses et déterminations de structure récentes
de t-AlF3 [1] et de Na4Ca4Al7F33
[2] ont changé notablement le paysage. En effet il faut maintenant
ajouter à la liste ci-dessus des briques formulées 43
(à partir desquelles sont construits des clusters extraordinairement
compacts de 10 octaèdres dans t-AlF3 et même de
15 dans Na4Ca4Al7F33), 54
formant des cages vides dans t-AlF3 et occupées par le
sodium dans Na4Ca4Al7F33, et
enfin, exclusivement dans t-AlF3, des briques 3153
et 5261. Ces dernières mettent en commun deux
à deux 4 octaèdres de leur anneau 61 pour réaliser
une cage 4254. Dernier mais pas des moindres, Rb2NaAl6F21
[3] est un exemple original de combinaison inédite des anciennes
briques (34, 3243, 4662
et cage pyrochlore). On aura compris que Rb2[NaAl6F21]
et Na4[Ca4Al7F33] présentent
un réseau mixte [AxA'1-xB3]n
respectivement " farci " par le rubidium et le sodium,
pour n = 7 et n = 11.
Des images 2D du monde des réseaux 3D 6-connectés sont
exposées et commentées. La troisième dimension est
accessible par une connexion Internet à l'URL http://www.cristal.org/vrml/6c3d/6c3dnets.html
à l'aide d'un navigateur équipé de moyens de visualisation
VRML (Virtual Reality Modeling Language).
Les modèles sont représentés selon deux possibilités
graphiques classiques : polyèdres AB6 et réseaux
de cations A interconnectés.
En conclusion, la réalité nous rappelle l'inefficacité des moyens actuels de prédiction des structures cristallines, même simples. A quand des anneaux à 7 ou 8 octaèdres, est-ce définitivement impossible ? Il ne fait aucun doute que de nombreux composés ternaires (ou d'ordre supérieur) montreront dans un futur proche des structures inédites. Mais serons-nous prochainement encore surpris par de nouveaux arrangements tridimensionnels de corps simples (comme ce fut le cas pour le carbone avec les fullerènes) ou binaires AxBy, ou bien pouvons-nous vraiment espérer les prévoir et les ayant prévu, programmer leur synthèse? Nous en sommes loin, même si on peut lire le contraire. Pouvons-nous seulement affirmer que t-WO3 ou t-FeF3 seront synthétisés un jour?
Références:
[1] A. Le Bail, J.L. Fourquet et U. Bentrup, J. Solid State
Chem., 100, 151 (1992).
[2] A. Hemon et G. Courbion, J. Solid State Chem., 84, 153
(1990).
[3] A. Le Bail, Y. Gao et C. Jacoboni, Eur. J. Solid State Inorg.
Chem., 26, 281 (1989).