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Avant-proposEn guise de contribution au débat permanent sur les grands objectifs de la recherche française, voici une liste des tribulations qui guettent le chercheur de base non préparé à la réalité quotidienne du travail en laboratoire de recherche académique.La présentation est sous la forme d'un dictionnaire de mots choisis qui peut se lire comme un essai. Une enquête sur ces quelques mots précis, très évocateurs de problèmes internes de fonctionnement des laboratoires, aurait été instructive. Elle est impossible, les tabous sont trop nombreux. La définition proposée ici pour chaque mot sensible est donc purement personnelle, et négative. Il n'a été aucunement fait mention de ce qui allait bien, le dictionnaire couvre cependant l'ensemble des activités de recherche d'un laboratoire universitaire de petite taille. Aucune solution n'est avancée. C'est parce qu'aucun problème n'est posé. Il s'agit du constat que la recherche se fait ou se fait faire par des individus qui ont des interprétations variées des textes qui définissent leurs fonctions. Ils sont presque tous persuadés d'agir au mieux des intérêts de la communauté scientifique locale, nationale et internationale. Naturellement, les histoires racontées sont particulières mais l'hypothèse que ce soit pire dans certaines disciplines ou ponctuellement n'est pas à exclure. La loi du silence est respectée dans le milieu. Si la critique est rare, c'est pour une raison simple et universelle : ce qui serait critiquable est le fait d'hommes ou de femmes qui ont une parcelle de pouvoir sur l'évolution de votre carrière, qui signent les bons de commande, qui vous autorisent à vous rendre à un congrès, qui peuvent vous couper le téléphone, etc... Un texte à lire avant de s'engager dans le métier de chercheur si l'on veut éviter les surprises désagréables ou si l'on souhaite faire carrière en profitant à fond du système. Le métier a la cote, il est rarement placé moins bien que troisième dans les sondages effectués auprès des jeunes. Pour preuve, consulter le sondage Onisep-SCP "Lycéens et étudiants face aux études et aux métiers" (janvier 94). Chercheur vient en deuxième place des métiers choisis s'il n'y avait ni sélection ni diplôme et en troisième place parmi les métiers que les jeunes pensent réellement exercer. Que les volontaires se rassurent, les quelques petits à cotés désagréables ne feront pas renoncer ceux qui, maintenant prévenus, sauront faire de la résistance. Ils ont raison de penser que ce métier est un de ceux qui méritent que l'on s'acharne à le pratiquer, mais aucun argument dans ce sens n'est donné dans ce livre... L'étape qui précède l'entrée dans un laboratoire en DEA ou en thèse n'est pas non plus traitée (choix du directeur de thèse et du sujet), les conseils et critères de choix donnés par M. L. Dermer pour les Etats Unis sont à suivre en France aussi (Journal of Chemical Education, 70, 303-306, 1993), quelle que soit la discipline scientifique. La littérature qu'il cite devrait être lue avant tout engagement dans la direction de la recherche. Des liens hypertexte permettent de naviguer à volonté dans ce dictionnaire. Liste des MotsAccueil, adulte, amateur, ambiance, ambition, animation, annuaire, anonyme, appliquée, arbitraire, auteur, autonomie, autorisation, avion.Base, bénévole, bouche-trou, brevet, brillant, budget, bureau. Café, calculateur, chance, cheval, circulation, citation, classement, clignotant, coauteur, cohabitation, collaboration, collègue, commission, complémentaire, complexité, comptabilité, concours, confiance, confidentiel, confusion, Congrès, conspiration, contrat, couloir, coupable, crampe, crédits, critères, critique. Décideur, dégraissage, demander, dent, dieu, directeur, discrimination, dotation. Echec, éditeur, empapaouter, engagement, enseignement, équipe, équipement, essaimer, eux, évaluation, excellence. Faculté, fédération, formation, formulaire, Gentil, grand-père, groupe, guide. Habilitation, haut-niveau, honorable. Idées, information, informatique, initié, inspiration, internet, interaction, intimidation, intrus, invitation, irresponsable Justification. Livre, logiciel. Mandarin, mayonnaise, médaille, médecine, ménage, mercenaire, minable, mission, mobilité, monopole,motivations, moule. Nous. Ordinateur, organisation, osmose. Palmes, paranoia, parquet, parrain, parricide, pénurie, pianiste, pilotage, plagiat, plein-temps, poids, politique, pontuelle, pot, poulain, prime, principe, prix, progrès, promotion, prophète, prospectives, publication. Qualité, quantité, quête. Rapport, rayonnement, recherche, recrutement, redondant, referee, relation, remerciement, renouvellement, réserve, respect, responsable, ressources, restructuration, résumé-type, réunion, rompus, rouge. Salaire, saucisson, saupoudrage, signature, soumission, sous-traitance, soutenance, sujet, supplémentaire, syndicats. Téléphone, temps, thèse, timbre, tiroir, toilettes, transfert, transversal, travail, tutelle. Valse, vérité, vertical, virtuelle, vivier. Abécédaire-Accueil du nouveau chercheur ou enseignant-chercheur. Si vous êtes nommé sur place (sur le lieu où vous avez soutenu votre thèse), vous continuerez probablement à faire de la recherche en collaboration avec votre directeur de thèse, au moins pour un temps. Si vous réalisez une mobilité après votre thèse (le rêve du ministère de tutelle), il y a deux cas de figure. Votre poste était "à thème affiché" ou non. En fait, dans les deux cas, vous n'aurez aucune chance de travailler de façon indépendante sur des idées qui vous seraient totalement propres, à moins que la nature ne vous ait doté d'un caractère bien trempé. La chose est réglée d'avance, le plus souvent en conseil restreint de laboratoire. C'est la politique du "chacun mon tour" du directeur, à moins que quelques puissants chefs de groupe parviennent à faire valoir que c'est leur tour. Vous serez en réalité plus affecté à une personne qu'à un thème. Exercice: passez directement à la définition du mot interaction et en constatant avec qui interagissent les derniers arrivés parmi les permanents du laboratoire analysé, essayez de deviner lesquels seraient "chef de groupe" et en quelle année c'était leur tour. Un conseil : le principal est d'avoir le poste, même au prix d'un sujet de recherche imposé qui ne vous convient pas. Vous y travaillerez quoiqu'il arrive avec votre vision personnelle, personne ne pourra vous interdire de consacrer immédiatement X% de votre temps à des activités personnelles et à peine plus tard, 100%.-Adulte. Mot prononcé à tout changement de directeur par celui-ci : le laboratoire est devenu adulte... bizarre comme réflexion, n'est-il pas ? -Amateur. Mis à part quelques professionnels de la gestion saupoudrés deci-delà, tous les autres sont des amateurs, du chercheur de base au président d'université. C'est pourtant votre capacité à la gestion (des ressources humaines comme des crédits) qui a le plus de chance de vous assurer une promotion rapide. Les amateurs n'ont pas tendance à s'entourer de professionnels incontrôlables. Mais après tout, le Titanic a été construit par des professionnels et l'Arche de Noé par des amateurs. -Ambiance. Bonne ou mauvaise selon le degré de participation aux décisions, la prise de conscience des défauts du système, le fait de considérer comme normales certaines pratiques racontées ici, la dose d'empapaoutage... -Ambition. Déclarer que l'on est non-candidat à une élection du directeur du laboratoire paraît totalement incompréhensible à l'universitaire moyen qui semble tout naturellement se croire aussi compétent que n'importe lequel des autres pour un tel office. Remarquez qu'il n'ose pas vraiment se déclarer candidat, il préfère de loin que sa personne s'impose comme unique évidence ou au moins qu'un plébiscite l'encourage. Le directeur sortant a, lui, une idée précise des capacités indispensables dont son successeur devra être doté pour poursuivre son oeuvre. Il va de soi que, s'agissant d'un laboratoire universitaire, des compétences extrêmes dans les domaines de l'enseignement, de l'administration de l'université et de la recherche sont requises. Cela exclu de facto le chercheur plein temps, vous êtes prévenus. -Animation. Les chercheurs de haut niveau ont un rôle d'animation des autres chercheurs. Donner vie à un zombie tient de la magie noire. De là à traiter les rares chercheurs de très haut niveau de nécromancien serait tout de même un peu fort. Un mot plus noble leur est réservé : dieu. -Annuaire. Les annuaires téléphoniques par départements du CNRS sont remplis de renseignements de tous ordres. Ils sont à consulter impérativement avant de postuler à l'entrée d'un laboratoire car ils sont totalement révélateurs des coutumes locales, notamment en matière de responsables. Vous y trouvez des laboratoires énormes de 50 à 200 permanents qui affichent une impressionnante liste de thèmes de recherche, et là, à la colonne "responsables de thème" il y a quelques variantes. Les 10 ou 20 thèmes peuvent n'avoir qu'un seul responsable, qui se trouve être le directeur du laboratoire. Pas vraiment la démocratie quoi. Son nom est répété là 10 à 20 fois, risible. Il est clair que la présentation générale de l'ouvrage ne se prête pas à ce cas particulier, il est sûr que les directeurs des laboratoires en question n'auraient pas osé présenter les choses de cette façon, il y aurait eu une simple liste de thèmes, sans nom. Autres possibilités, chaque thème n'a qu'un responsable ou encore, les thèmes ont jusqu'à trois responsables maximum par ordre alphabétique (ou non-alphabétique, ce qui est tout de même assez suggestif). C'est le mode de prise de données informatisées qui n'autorise pas l'apparition de plus de trois responsables par thème dans les annuaires (voir formulaire). J'ai vu cependant une exception une fois où jusqu'à 10 personnes avaient été listées comme co-responsables de thème, par ordre alphabétique. Je m'étais dit alors que ce laboratoire s'était violemment démocratisé. Hé bien non, c'était une erreur, réparée l'année suivante... L'existence de cette limite imposée de trois personnes peut vous être donnée, sans rire, comme raison selon laquelle vous ne pouvez pas apparaître comme co-responsable d'un thème auquel vous participez pourtant notoirement de façon indépendante, sans voir de l'année les autres "responsables". La parade est de créer de toute pièce un nouveau thème dont vous vous intronisez responsable, cela marche. Etudiez soigneusement l'intitulé du thème, qu'il ne soit pas trop réducteur. Ceux qui vous ont précédé ont agi de cette façon, mais ils ont la mémoire courte et tentent maintenant de vous en empêcher avec des arguments tels que: il faut éviter la dispersion des activités du laboratoire, la multiplication réductrice des thèmes... Surtout, ne vous laissez jamais imposer l'intitulé d'un thème par quelqu'un qui vous en déclarerait responsable... -Anonyme. Une des deux sortes de chercheurs, la plus nombreuse. Dans la publicité diffusée pour la privatisation de Rhône-Poulenc en 1994, on pouvait lire: "La capacité de recherche du Groupe s'appuie sur 9000 chercheurs parmi lesquels deux prix Nobel - Jean-Marie Lehn et Pierre-Gilles de Genne -..." Evidemment, ils manquaient de place pour donner les noms des 8998 autres. Tous les chercheurs et enseignants chercheurs des laboratoires associés au CNRS apparaissent dans des bases de données dont certaines peuvent être consultées par MINITEL, en particulier la base centrale LABINTEL/2. Tout n'est pas en clair dans cette dernière base, par exemple: la liste exhaustive de tous les personnels rattachés à un thème n'est accessible qu'avec un mot de passe réservé à certains utilisateurs: directeurs d'unités et autres responsables du CNRS. Pourquoi avoir crypté une telle information ? Une des explications pourrait être que dans certains laboratoires, certains personnels ignorent être rattachés à certains thèmes. Une autre serait que les responsables de thèmes ne souhaitent pas que l'on évalue la faiblesse de leurs effectifs, d'autant plus que les personnels sont généralement rattachés à plusieurs thèmes et que les pourcentages de participation sont précisés. Il doit exister des responsables de thème sans troupe (moi par exemple) ou avec moins d'un chercheur plein-temps à manager, la honte quoi. Appliquée (recherche). La dernière
dont je me souvienne consistait à étudier le polissage du marbre.
Des heures à faire tourner une polisseuse avec différents produits,
passionnant. Etude des surfaces polies et de la résistance de la croûte
par les techniques les plus sophistiquées. Il apparaissait au final
que le commanditaire voulait comparer les performances de SON produit avec
les performances des produits concurrents. Au passage, comprendre les principes
actifs de ces produits concurrents était évidemment également
recherché. Bref, de l'espionnage industriel, ni plus ni moins. Er
pensez que les cinq concurrents obtiennent aussi chacun une bourse CIFRE
pour réaliser la même étude de leur côté.
Soutenance secrète, rapport secret. Et là, je me suis dit,
plus jamais ça (je n'étais pas directeur de thèse, juste
consultant et membre du jury de thèse)... A vous de voir si vous êtes
tenté par ce genre de -Arbitraire. On peut en faire l'éloge. La nature même de la recherche fondamentale est l'exploration de l'inconnu. Tout choix précis de l'objet exploré est arbitraire car imprévisible est l'importance de la découverte éventuelle. En fait, les statistiques sont claires, 99.99% des travaux de recherche ont abouti à des résultats qui paraissent d'une importance faible ou nulle (pour l'instant), mais classer des projets de recherche selon leur "intérêt", c'est déjà essayer de prévoir le résultat. Cependant, il est vrai que ce qui intéresse l'homme, c'est avant tout lui-même (sa santé, son bien-être...), il vaut mieux s'en souvenir en rédigeant les projets. Les décisions d'attribuer des crédits et tous les jugements de qualité reposent inévitablement sur une part d'arbitraire qui génère un sentiment d'injustice. Que vaut-il mieux faire ? Influencer le moins possible ou tout contrôler, ni l'un ni l'autre sans doute. -Auteur. Il n'y a en principe qu'une manière d'être auteur unique signataire d'un article scientifique, quoique... Pour être co-auteur, c'est très différent. - Autonomie. Comment assurer l'autonomie du jeune chercheur ? Une question posée en 2001 lors du Forum Stratégique du CNRS (sur Internet). On peut essayer d'y répondre simplement en reprenant les définitions du Petit Larousse : 1- indépendance,
possibilité de décider, pour un individu, par rapport à
une hiérarchie, une autorité. 2- autonomie financière
: situation d'un jeune chercheur qui administre, gère librement ses
propres ressources. 3- Distance intellectuelle
que peut parcourir un jeune chercheur sans nouvel apport de carburant.
En assurant l'autonomie
des jeunes chercheurs selon ces préceptes, il y aurait déjà
de quoi mettre le CNRS sur la paille, le budget n'y suffirait pas. J'ai donc
quelques doutes à propos de la réelle volonté du CNRS
d'assurer l'autonomie des jeunes chercheurs (comme si les vieux chercheurs
avaient cette autonomie d'ailleurs...). C'est une question récurrente
dont la solution est connue depuis longtemps. Pourquoi encore la reposer comme
si quelque chose de révolutionnaire allait être possible cette
fois ? -Autorisation de programme. "Partout il y avait de petites cagnottes amassées par des directeurs prudents. Il s'agissait souvent d'autorisations de programmes non couvertes par des crédits de paiements, mais leurs détenteurs ne faisaient pas toujours la différence. C'est pour cela que nous avons décidé de remettre tous les compteurs à zéro." Paroles rapportées dans Le Monde du 13 Mars 1996. Au fond une AP n'est guère qu'une AR (Autorisation de Rêver) qui peut tourner au cauchemar si vous y croyez vraiment. Le directeur intérimaire du CNRS nous dit réveillez-vous, vous n'aviez tout de même pas pensé qu'on allait vous donner l'argent qu'on vous avait promis ! Patiemment il nous explique : il y a le vrai argent et le faux, faites donc deux cagnottes. Par ailleurs si au 31 Décembre vous n'avez pas tout dépensé, on vous reprend tout ce qui reste. L'argent des deux cagnottes ? Evidemment, et de plus, la somme non dépensée sera défalquée de vos crédits "notifiés" pour l'année suivante ! De même si vous avez utilisé vos avoirs au-delà des autorisations. Bon récapitulons, cela doit vous sembler clair aujourd'hui. Vous voyez maintenant pourquoi vos crédits se montent à 1 franc cette année, en réalité c'est une erreur d'arrondi, vous êtes à moins 96MF, comment comptez-vous nous les rembourser ? -Avion. Ne pourront plus monter dans l'avion que les pilotes brevetés. C'est l'impression que peut vous donner une personne en charge d'un appareillage en service non-libre. Alors on ne sait pas s'en servir ? On a besoin de moi ? On vient la queue basse ? He bien non, on ne vient plus, on préfère aller à vélo ! Ce problème relationel n'atteint pas les dieux de la recherche : ils n'affrontent jamais directement le cerbère mais envoient des émissaires, de plus l'avion est à eux. -Base. (Chercheur de) Dans Libération du 10 Juillet 1997, Le Ministre déclare qu'il faut "faire confiance aux chercheurs de base". Il n'est toutefois pas question de leur attribuer personnellement des crédits. Ceux-ci seront "à donner directement aux laboratoires, pas aux "programmes"". Mmmouais, c'est déjà ça, mais les crédits demeurent donc sous contrôle total du détenteur de signature auquel le chercheur de base doit plaire. Lui plait-il ? Une anecdote pour éclairer la chose. Invité à un congrès à l'étranger, le chercheur de base peu aimé à tout intérêt à accepter au moins une des multiples invitations annuelles sans l'accord du patron (qui de toute façons ne le lui donnerait pas dans la mesure où il considère que l'activité de ce chercheur n'est pas dans la ligne des thèmes du labo puisqu'il ne travaille pas pour lui). Le fait accompli, il faut obtenir au moins un financement partiel de différentes instances locales qui discrètement et semi-officieusement (ne le crions pas sur les toits sinon il y aurait moins d'argent pour les copains qui sont au courant) distribuent quelques subsides (1500F pour la cote est des USA par le Conseil Scientifique + la même chose par les Relations Internationales par exemple). Faute de quoi, le système de prise en charge ne sera pas amorcé et le chercheur risque d'y être de sa poche. Vient le moment de remplir les ordres de mission. Au fait si vous êtes CNRS vous risquez d'en avoir 2 à remplir, un pour le CNRS et un pour l'Université puisqu'elle vous soutient financièrement. Au deuxième ordre de mission, l'aspirant conférencier un peu fatigué nerveusement voit une case "Grade" sur le formulaire d'ordre de mission de l'Université, il met "DR". Ensuite il passe à la case "Fonction". Vous saviez déjà que le grade n'est pas la fonction, je suppose ? Bon, il écrit "Chercheur de Base" en toute bonne foi et un brin excédé. Une semaine plus tard, son directeur le coince un samedi matin dans le labo désert et lui explique qu'il refuse de signer tant que la fonction déclarée "Chercheur de Base" n'aura pas été changée. En quoi ? Il ne le dit pas. Habitué aux brimades idiotes, le DR répond qu'il n'est pas question de changer quoi que ce soit (il est prêt à se payer le déplacement de sa poche cet imbécile de base). Que croyez-vous qu'il arrivât ? L'ordre de mission fut signé inchangé le lundi suivant. Le DR recevant des mains du directeur l'ordre non signé s'était bien gardé de le conserver, il l'avait immédiatement (au su et vu du patron) rapporté sur le bureau de la secrétaire tampon qui le lundi allait retrouver le maudit formulaire non signé alors qu'elle l'avait transmis au directeur une semaine plus tôt. Pourquoi le directeur a-t-il signé ? Allez savoir ! Il a eu le week-end pour imaginer la secrétaire venant le voir le lundi pour lui demander pouquoi le document n'était toujours pas signé. Sans doute n'a-t-il pas trouvé quelque chose de cohérent à lui répondre... Et quand le chercheur de base se voit refuser le soutient du labo pour une seconde invitation annuelle, que doit-il faire ? Je lui suggére de joindre la lettre d'invitation (qui ne manque jamais de le décrire comme un brillant chercheur indispensable au bon déroulement et niveau du congrès) à son rapport de recherche en signalant que le financement n'a pu être obtenu du fait de l'opposition du directeur (demande faite par écrit de votre part bien sûr, refus de vive voix du directeur naturellement qui ne souhaite pas laisser de traces). -Bénévole. Voir pianiste. -Bouche-trou. Candidat à un poste ouvert au "concours" national dont la particularité est de ne pas être le "candidat local". A une époque où être enseignant-chercheur coopérant dans une université étrangère ne donnait plus un ticket gratuit pour la titularisation, les coopérants non titulaires ont servi de bouche-trou à de nombreuses reprises lorsqu'ils cherchaient à revenir en France. Dossiers, auditions si vous êtes classé, attente insupportable des résultats, lenteurs de l'administration, angoisses. Un gâchis énorme qui serait nécessaire en cas d'égalité des chances: lorsque tous les candidats à un poste précis sont totalement inconnus de tous les intervenants à tous les niveaux de la sélection, rare. -Brevet. Avec les publications, les thèses encadrées, les conférences invité, les communications aux congrès, posters, livres, (...), les brevets sont une des pièces maîtresses des dossiers de demande de promotion personnelle ou de demande de contrats, crédits pour un laboratoire, un groupe ou une équipe. On sait que la France n'est pas dans le peloton de tête pour le nombre de brevet déposé. On oublie parfois l'essentiel : un brevet représente une grosse somme d'argent gaspillée si il n'est jamais commercialisé. Il vaudrait mieux cesser de compter les brevets mais plutôt la masse des revenus après décompte des dépenses. Il est probable que la France ne passerait pas pour autant dans le peloton de tête. La plupart des petits laboratoires universitaires ont une liste de brevets qui n'ont jamais rapporté un kopeck (ce n'est évidemment pas précisé...), mais ont pu contribuer à déclencher un événement local (promotion personnelle, renouvellement de crédit...). Que les évaluateurs réclament le montant des royalties encaissées par ceux qui déclarent être auteur ou co-auteur de brevet, ainsi que la somme investie pour le dépôt dudit brevet. Tout bilan négatif, après la date où la découverte passe dans le domaine public, pourrait suggérer que le dépôt fut une erreur, commercialement parlant en tout cas. Quelqu'un en aura profité, c'est certain, d'une manière ou d'une autre. -Brillant. Individu irradiant une onde communicative de Bonne Science. La maladie est bénéfique pour le porteur. -Budget. A moins de décrocher un contrat, vous n'en avez pas, de budget. Le plus drôle est que le thésard de service peut se voir attribuer un petit budget destiné à l'achat de livres. Vous, rien. Le chercheur de base correspond à une maigre somme de base d'environ 20000F annuellement allouée au laboratoire. Mais pour lui-même, rien. Toutes ses envies doivent passer par le filtre de l'autorité qui détient la signature. Le plus souvent lorsque vous remplissez un bon de commande, vous savez qu'il va être signé. Mais c'est parce qu'il ne s'agit pas d'une envie à vous. C'est votre responsable de groupe qui vous a dit de commander ce machin. Si c'est un gros machin commandé sur les crédits communs, votre responsable a déjà négocié avec le grand patron, pas fou. Si on vous allouait un tout petit budget annuel de, disons 3000F, qu'en feriez vous ? Les autorités ont l'air de penser que vous le dépenseriez dans la semaine en carambar (c'est pourquoi : pas de budget). Mais c'est de toute évidence une grossière erreur. Probablement, la somme étant si ridicule, vous réfléchiriez à deux fois avant d'y toucher, vous essaieriez d'en faire le meilleur usage possible, sans doute une semaine avant la fin de l'année. Et pourquoi pas, si votre ambition est démesurée, vous tenteriez de convaincre votre voisin de bureau de cumuler son maigre budget avec le vôtre afin de vous acheter en commun je ne sais quoi. Une façon de vous "responsabiliser" en quelque sorte. Zut, je suis encore en pleine utopie. -Bureau. Lieu convoité et conquis de haute lutte au moment où il se crée ou se libère. En ces temps d'enseignement de masses et de croissance rapide des effectifs étudiants, les bureaux se raréfient. Il faut savoir en agripper un au bon moment, à moins que cela ne vous indiffère et que vous sachiez exprimer votre haut niveau aussi bien en compagnie de collègues qu'isolé. Pourtant la pénurie n'atteint pas tout le monde, il y a des bureaux associés à certaines fonctions et si vous cumulez les fonctions et/ou lieux de travail, alors vous pouvez passer une partie de la journée à vous déplacer d'un de vos bureaux (personnel ou collectif) à l'autre. Chercheur dans un laboratoire universitaire, enseignant à l'IUT à 300m de là, enseignant à l'école d'ingénieur à l'autre bout de la ville, président du conseil d'administration... Autant de bureaux que de casquettes et autant de lieux considérés comme propriété personnelle, rarement cédés de bonne grâce, même en cas d'égarement de la casquette. A côté de cela, il arrive qu'un professeur parachuté soit mal accueilli. Dans les cas extrêmes, sa voiture peut être son seul bureau jusqu'au jour où il décide de démissionner et de retourner à ses occupations antérieures... Certaines occasions offrent un spectacle du type "chaises musicales": déménagement d'un laboratoire dans des locaux plus spacieux et/ou neufs. Le haut du panier se retrouve avec bureau privatif, si ce n'était déjà fait. Les pièces encore vides réservées à un éventuel usage futur, ne le restent pas bien longtemps. Un lundi, on observe qu'un squat s'est produit pendant le week-end : votre collègue de bureau a déménagé sans tambour ni trompette, vous auriez dû y penser avant lui ! Evidemment, si votre niveau est insuffisamment haut, il vous est déconseillé de squatter des locaux trop vastes. Néanmoins, visez une pointure légèrement trop grande : volez un empire et il vous restera peut-être un royaume. Voir aussi toilettes. -Café. Boisson prise rituellement en commun tout en débitant les pires âneries ou en prenant les décisions les plus importantes. La "salle café" est un lieu à fréquenter absolument, même si l'on n'en boit pas. -Calculateur. On finit bien tôt ou tard par le devenir, ne serait-ce que pour organiser efficacement son temps de travail pour ne pas être perpétuellement débordé par les sollicitations à résoudre les problèmes d'une meute de thésards qui ne sont pas les vôtres. - Chance. La plupart des découvertes, petites ou grandes, se font par chance (serendipity chez nos collègues anglo-saxons). Le fait d'être doté d'un cerveau qui tourne bien, c'est aussi de la chance. Pas besoin d'être hypocrite, profitez de votre chance, c'est ce qui rapporte le plus. Le malheur est que la chance se contrôle mal. Et tous ces prix Nobels et autres laissent à penser que ces hommes ont agi brillamment de leur fait et ne doivent leur réussite qu'à eux seuls. Mais nous ne savons même pas le mécanisme de l'Eureka ! Si vous avez vu le film Magnolia, vous pouvez admettre que sans certaines circonstances éventuellement domestiques et insignifiantes, et un certain fil du destin, les noms mis derrières certaines découvertes auraient bien pu être complètement différents. Ou est donc le mérite ? -Cheval. Le rapport avec la recherche est que les thésards, les contrats, les crédits, etc... ne se trouvent pas sous les sabots d'un cheval. On vous le dira plus d'une fois. - Circulation. Les manifestants du dernier G8 (2001) ont souligné que le droit des marchandises à circuler était plus grand que le droit des hommes. Et c'est aussi vrai des idées qui, grace à Internet entre autres, passent plus facilement les frontières que les cerveaux qui les conçoivent. La règlementation française en matière d'invitation de chercheurs étranger manque de légèreté. Enfin, le poids de ladite règlementation est variable selon la provenance du chercheur. Pour certaines origines, le "protocole d'accueil" qui doit être signé par la préfecture, et par le directeur de laboratoire, conditionne la délivrance du visa. Mais dans la mesure où des collaborations par simple courrier normal, ou par email, ou même des contacts par moyens vidéo (webcams, etc) sont possibles sans signature de la préfecture, et peuvent conduire à des publications communes, à quoi donc tout cela rime-t-il ? Vous me direz, alors, pas la peine de se rencontrer en personne, pas besoin de se déplacer, pas besoin de visa. Effectivement, je ne suis pas loin de le penser. Pour des vacances, le jeu en vaut la chandelle (voyager), mais pour travailler est-ce bien toujours nécessaire ? Sans doute pas toujours, mais pourtant, si on ne le fait pas, il manquera toujours une dimension, celle de se retrouver pour parler de tout et de rien autour d'une bonne table... Conclusion, la préfecture veille au grain en ce qui concerne la composition des tables, puisqu'elle ne peut pas vraiment contrôler qui travaille avec qui et pourquoi. Le refus d'un visa n'empêche en rien l'essentiel. Vivement une vraie mondialisation. -Citation. Vous pouvez citer des articles dans la liste de références de vos publications, être cité par d'autres, positivement ou négativement, enfin vous pouvez pratiquer l'auto-citation (presque toujours positivement). L'étude quantitative des citations peut permettre de déceler les thèmes "chauds" en émergence et fait partie des activités dites de veille technologique. Il y a bien d'autres applications. Etudes de notoriété pratiquées plus ou moins en secret notamment au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche pour confirmer le haut niveau par exemple des seniors de l'Institut Universitaire de France (dans: Eléments d'Evaluation de la Formation Doctorale et de la Recherche Universitaire, document de la DRED, juillet 1992), il y est conclu que "... en moyenne les seniors ont publié davantage, et été cités davantage, que les membres juniors, avec cependant quelques exceptions notables." -Classement. Les laboratoires comme les chercheurs sont classés par les sections du comité national et par les groupes d'experts du ministère de l'enseignement supérieur. Pour les chercheurs, cela leur arrive lorsqu'ils font une demande de promotion, notamment pour changement de grade. Le nombre de postes étant le plus souvent affiché, le comité donne le nombre de noms des candidats nécessaire plus quelques uns au cas ou. Pour les laboratoires, c'est au moment de leur renouvellement qu'ils sont classés en A, B ou C. Contrairement au classement en A, le classement en B est réservé aux unités qui ne remplissent pas tous les critères d'excellence sur lesquels la section a convenu de baser son évaluation. Le classement en C est réservé aux unités qui ont à modifier leur structure. Un exemple. En théorie ce classement se fait au vu des travaux effectués au cours des 3 ou 4 années précédentes. Dans la pratique c'est parfois différent. Dans le compte rendu de la session d'automne de la section 19 (5-8 décembre 1995) on observe qu'une UMR en création est classée A tandis qu'une URA à laquelle le créateur de la future UMR appartient encore, est classée en B ! Comprenne qui pourra. Les élus syndicaux précisent dans le compte rendu : "vos élus attendent vos réflexions". Vous pouvez toujours leur faire part de votre étonnement, n'espérez pas une réponse. Voir restructuration. -Clignotant. Certains responsables clignotent au gré d'autres responsables mieux placés qu'eux par ordre non-alphabètique. Les co-responsables de thèmes de recherche qui apparaissent dans les annuaires téléphoniques des départements du CNRS ne sont pas tout à fait co-, il y en a le plus souvent un en tête de liste qui est beaucoup plus responsable que les autres. A son gré, il a le pouvoir de se déclarer unique responsable dans certaines circonstances qui lui sont favorables. -Coauteur. Pour être coauteur, le raccourci le plus rapide est le coup de téléphone. Soit un responsable de thème qui lance une collaboration extérieure, à l'occasion d'une rencontre à un congrès (fréquente origine de travaux futurs générés à la suite de discussions devant un "poster", au banquet du congrès...). La rencontre n'a pas forcément eu lieu avec ceux qui vont faire le travail, d'ailleurs. Pour donner un exemple, à l'étape suivante, un échantillon à caractériser peut arriver par courrier sur le bureau du congressiste qui le transfère à un de ses collaborateurs (plutôt subalterne consentant) en indiquant: j'ai rencontré untel à Washington, si vous arriviez à résoudre son problème, cela pourrait faire un papier intéressant. Aussitôt dit aussitôt fait, ou presque, il peut être nécessaire de faire appel à un autre chercheur local (disons deux mois de travail à temps plein pour deux chercheurs). Qui signe le papier final ? Cinq personnes: les deux chercheurs, les deux congressistes et le patron du congressiste extérieur qui téléphone au dernier moment (mais pas aux deux chercheurs) pour faire remarquer que, quand même, il serait normal qu'en tant que responsable du deuxième congressiste, il co-signe lui aussi. Les deux chercheurs, avertis au dernier moment et trop jeunes pour réagir correctement envisagent un instant de mettre aussi leurs femmes parmi les coauteurs. Ils y renoncent (dommage) mais les ajoutent tout de même dans les remerciements : "Les auteurs souhaitent remercier X et Y pour leur encourageant intérêt et de nombreuses discussions fructueuses". A l'inverse, se retrouver coauteur d'un article sans rien avoir demandé peut se produire également. Vous apprenez qu'un article vient d'être soumis et que vous en êtes coauteur. Vous avez certes contribué au travail mais avez manifesté votre intention de ne pas en faire un article et donc vous n'en avez pas écrit une ligne. Le temps ayant passé, vos compères d'une collaboration extérieure qui n'avaient, eux, pas renoncé à cette publication ont oublié votre non-intérêt pour ce travail et vous informent vraiment tard qu'ils viennent de le soumettre. Dans un tel cas vous avez le choix: laisser faire, et cela vous fait une publication de plus, ou faire retirer votre nom, ce qui est une procédure assez éprouvante pour tous. Il se peut même que ce ne soit pas seulement votre nom qui avait été inscrit parmi les coauteurs mais aussi celui d'un congressiste ayant fait établir le contact dans un passé lointain pour cette collaboration extérieure. Peut-on être responsable d'un article scientifique que l'on ne co-signe pas ? Oui, en tant que grand responsable du laboratoire (directeur). Parmi le flot de recommandations très officielles qui submerge les chercheurs et laboratoires, on est éclairé à ce sujet par le texte suivant: "Le directeur d'un laboratoire doit être un scientifique de haut niveau. Ayant déjà fait preuve de sa notoriété, il lui est plus facile de faire régner une atmosphère favorable à l'éclosion des jeunes talents en évitant de leur porter ombre. Il est, par exemple, inutile sue son nom figure sur toutes les publications du laboratoire" (CNRS-Lettre N°42 des Sciences Chimique). Que l'on ait jugé bon de faire cette recommandation est révélateur que cela doit bel et bien se passer encore de nos jours. Pour éviter de tomber là où cela se passe, connaissant l'organigramme du laboratoire, vous pouvez vous renseigner à partir de la base LABINTEL/2 par MINITEL et constater si la présence du directeur est systématique sur les "oeuvres" publiées des membres du laboratoire. Oui aussi en tant que responsable de thème: si vous avez l'outrecuidance de réaliser un travail qui entre dans le cadre d'un thème de recherche officiel du laboratoire, avec responsable, sans inclure comme coauteur le responsable de thème, il n'empêche qu'au prochain rapport du laboratoire ce responsable mettra votre travail dans sa liste et éventuellement décidera d'en parler à votre place... -Cohabitation. "La cohabitation entre chercheurs et enseignants va être dans les années prochaines difficile. Nous devons aménager cette cohabitation avec soin en prenant conscience que les conditions de vie sont différentes et que nous ne devons pas nous désintéresser de celles des voisins." Michel Fayard, directeur de la Chimie au CNRS de 1984 à 1990. Paroles rapportées dans Sciences Chimiques (Lettres des Départements Scientifiques du CNRS) N°55, Janvier 1996, p. 49. Procurez vous le rapport de la Commission Quenet. -Collaboration. Elles devraient être volontaires et on pourrait penser que tous les collaborateurs devraient être au courant de tous les détails en rapport avec le travail en cours. C'est loin d'être le cas. Une proposition de collaboration à quelqu'un suppose que vous estimez que ses compétences devraient conduire à la solution d'un problème spécifique que vous avez localisé, cela suppose aussi que vous n'avez pas seulement localisé le problème mais fait avancer les choses déjà d'une façon déterminante, vous n'êtes d'ailleurs pas nécessairement seul sur le sujet, il faut être transparent, c'est la moindre des choses. Dans le cas où on vous propose une collaboration, vous pouvez poser la question suivante: au cas où j'obtiendrais la solution à votre problème, qui co-signerait le papier dans l'état actuel du travail ? Le simple fait de poser cette question suffit dans bien des cas à rompre le contact, et c'est aussi bien pour vous car à l'autre bout ils étaient peut-être déjà une douzaine et vous ne l'auriez appris que trop tard. Par ailleurs, précisez qu'au cas où vous ne parviendriez pas à la solution espérée, vous leur rendrez leur problème sans y rester accroché (effet boule de neige). Si le besoin se fait sentir de mettre un autre chercheur dans le coup, prévenez, et demandez à être prévenu. Dans les affaires tout cela est totalement évident, même si les tractations secrètes sont aussi monnaie courante, mais le non-respect de certaines règles élémentaires conduit à la rupture, entre personnes de deux laboratoires différents ou du même... Collaborer suppose la reconnaissance mutuelle des mêmes droits et devoirs d'un niveau équivalent (c'est le cas, notre plus haut diplôme à tous est la thèse). Chacune des parties doit pouvoir dire non. Si la hiérarchie s'en mêle, il ne s'agit plus de collaboration mais d'une tâche que l'on vous confie ou que vous imposez à quelqu'un. J'ai dit une bêtise ? -Collègue. Concurrent. Homme (à plus de 70%) qui ne partage pas du tout votre conception de ce que doit être la recherche, d'ailleurs il pense que vous ne faites pas ce que vous devriez faire (voir mission). Vous-même n'êtes pas loin d'estimer que sa façon de faire son métier n'est pas non plus la bonne. -Commission d'évaluation, de recrutement... Mélange d'élus, de nommés qui se dévouent. Il y a bien quelques avantages à en faire partie, mais on dit qu'ils pèsent peu face à la lourdeur de la tâche, à vous de juger. - Complémentaire (heure). Tout ce qui déborde
des heures "statutaires" peut être rémunéré
en heures complémentaires. Les chercheurs, à qui on reproche
beaucoup de ne pas enseigner suffisamment, ne peuvent être rémunérés
que par ce moyen, si par hasard ils parviennent à franchir tous les
barrages qui les en empêchent. Mais que vaut une heure complémentaire
: environ 250 Francs en équivalent TD (ETD). Voici maintenant un texte
semi-officiel qui définit le temps total de travail nécessaire
à la délivrance d'une heure enseignée : "Un calcul rapide
de l'équivalent en temps de travail d'une heure ETD pour un enseignement
chercheur revient à considérer qu'elle suppose une activité
de 4 heures soit environ une demi journée." Un calcul idiot montre
donc que l'on rémunère ce travail à hauteur de 50 Francs
de l'heure (4 heures de préparation plus une heure de TD, le tout
payé 250 FF. Ce calcul idiot peut être encore poussé plus
loin. Soit un professeur de 2ème classe rémunéré
20000 F/mois, assurant 192 heures d'équivalent TD. Il bosse dans un
labo associé au CNRS, et est supposé bénéficier
de 6 semaines de congés payés. reste donc 46 semaines de travail
(ne rigolez pas...), mettons à 35 heures par semaines, soit au total
1610 heures. Sachant que la moitié du temps, il fait de la recherche,
reste donc 805 heures à consacrer à l'enseignement (préparation
+ cours). En arrondissant, on calcule qu'il dispose d'à peu près
3 heures (et non pas 4) pour préparer une heure de TD (805/192 ~ 4).
Son salaire annuel net se monte à 240000F, soit 120000 pour la
-Complexité. Etre un savant n'est plus possible depuis longtemps. L'art de dissimuler son ignorance joue un grand rôle dans un laboratoire. L'idéal est de ne jamais être là, votre réputation ne peut alors que croître. - Comptabilité. Dans la vie courante, votre banquier tient vos comptes d'une façon assez simple. Vos rentrées d'argent sont du crédit et c'est positif, vos dépenses sont du débit et c'est négatif. Il en fait la somme une ou deux fois par mois et vous voyez très bien où vous en êtes. Mais supposons que vous soyez responsable d'une ligne budgétaire dans le secteur Public, votre banquier est maintenant le service comptable de votre établissement qui n'a pas d'autre choix que de suivre aveuglément les directives administratives. Le langage bascule dans le technocratique : charges à payer (= factures à règler = débits) et produits à recevoir (= recettes = crédits). Tout dépend surtout de la sauce à laquelle est servie l'année budgétaire, et il y a essentiellement deux sauces (ou logiques si vous préférez) : la gestion et l'exercice. La gestion c'est en gros ce que fait vtre banquier avec votre compte personnel (un rattachement de dépenses et de recettes au jour le jour). L'exercice consiste à rattacher à l'année budgétaire toutes les recettes et les dépenses nées juridiquement au cours de cette année, même si elles ont été effectivement soldées après l'expiration de cette année. Et malheureusement c'est à la sauce "exercice" que vous ètes le plus souvent mangé. Un casse tète chinois émaillé d'erreurs de transmissions brouillant votre compréhension. Savoir où vous en ètes relève de la haute voltige. Il faut supplier régulièrement divers intermédiares qui ont accès au logiciel (N.A.B.U.C.O.) de vous imprimer une situation des opérations (vous n'avez aucun accès direct). Décoder cette situation est critique en fin d'année où la menace de remise dans le pot commun de vos maigres crédits restants pèse sur votre avenir. Avant le 15 décembre de chaque année, il faut faire preuve d'imagination afin d'obtenir le report de vos crédits sur l'année suivante. Il faut 'engager' des dépenses qui paraissent crédibles, alors, éventuellement vous obtiendrez le report. Peu importe si l'année suivante, vous changez d'avis et si vous consacrez vos crédits à une autre destination. L'essentiel est là, éviter la remise dans le pot commun, année après année. - Concours. Un exemple "subtil" de truquage pour un poste de professeur. Après élimination des candidatures non-recevables, restent 3 candidats. Première réunion de la commission qui va décider qui sera auditionné : Il y a une candidate étrangère et deux candidats locaux avec une nuance. Un des deux candidats d'origine locale possède un dossier beaucoup plus volumineux mais a quitté le laboratoire pour un labo concurrent dans la même université. Bien que ce candidat local ait soutenu sa thèse sous la direction du professeur partant à la retraite, directeur du laboratoire, la commission déclare que ce candidat possède un très beau dossier mais se trouve hors sujet (cela parait pourtant impossible car cette personne a collaboré pendant des années avec le professeur sortant, dans son laboratoire...). Non admis à l'audition, donc éliminé. Restent deux candidats, une étrangère que des personnes de la commission déclarent très bien connaître et ne voir aucun problème dans son audition, d'ailleurs elle apporterait certainement bien des choses nouvelles au laboratoire si elle était recrutée. L'autre candidat ne pose aucun problème. Il a également passé sa thèse sous la direction du professeur sortant (présent dans la commission, ne votant pas, mais donnant son avis). Son dossier est un peu mince en publications (une quinzaine), il est bien jeune, mais il s'investit énormément dans l'administration, et c'est très important. La date des auditions des deux candidats arrive enfin. Exposé de 15-20 minutes, quelques questions (viendrez-vous habiter dans cette ville, etc). Délibération. Les mêmes personnes qui acceptaient la candidate étrangère comme particulièrement intéressante, et la connaissant déjà pour l'avoir entendue lors de congrès, déclarent alors en coeur : ce n'est pas possible de recruter un professeur que les étudiants ne comprendraient pas en cours, elle parle trop mal le français, le choix est donc clair. Le canditat local, recruté en DEA par le professeur sortant, ayant soutenu sa thèse sous la direction du professeur sortant, ayant été recruté comme maitre de conférence par le professeur sortant, devient donc à son tour professeur à la suite de débats manipulés par le professeur sortant. C'est ce que j'appelle une succession bien organisée et bien réfléchie. Vous vous doutez que le professeur sortant est toujours là en coulisse en tant que professeur émerite et peut parfaitement continuer son oeuvre sous le regard bienveillant du nouveau professeur, également bombardé nouveau patron du laboratoire. Elimination du candidat clairement le meilleur sur arguments fallacieux, mais le vote emporte la décision. Une stratégie très probablement longtemps décidée à l'avance lors d'une pré-réunion de certains membres du laboratoire également membres de la commission. Le candidat local ayant quitté le labo pour un autre a eu le bien grand tort de quitter son ex-patron et autait maintenant la prétention de venir prendre sa place, c'est complètement inadmissible : même pas auditionné avec 65 publications et tout ce qu'il faut. Quant à l'étrangère, elle sert de fusible bien pratique après audition, malgré ses 35 publications, et une mobilité internationale extraordinaire . Elle saute sur un prétexte qui aurait du après tout la faire éliminer avant audition, puisque son parler français (au demeurant très acceptable) avec un fort accent étranger était déjà connu. Mais quand le vieux chef connait déjà le vainqueur, pour l'avoir désigné lui-même de longue date, bien des membres de la commission plient docilement. Pure fiction, bien entendu. -Confiance. Les décideurs ne peuvent travailler que dans la confiance. Entendez: surtout qu'on ne leur demande pas des comptes, et s'il vous utilisent dans la liste du personnel qui leur sert à obtenir des crédits, pourquoi donc devriez-vous avoir accès aux dossiers, ou même un seul mot à dire? Ayez confiance, que diable ! -Confidentiel. Ne dites pas oui à la légère à une collaboration proposée, renseignez vous sur les habitudes de transparence ou d'opacité du proposeur. Si la collaboration va jusqu'à la participation à des contrats, exigez d'avoir connaissance de tous les documents (rapports divers), surtout évidemment si c'est une affaire qui débute. Ne croyez pas que cela aille de soi. Si l'on ne vous communique plus un jour qu'une partie des rapports, et encore lorsque vous les réclamez, rompez tout contact ou accommodez vous d'un statut d'exécutant. -Confusion. Une des confusions génératrice de problème dans les laboratoires universitaires est l'amalgame enseignement-recherche. L'enseignement a sa hiérarchie propre: responsables de Licence, de DEA, de ceci et de cela... Ces responsables assument un certain contrôle sur des personnels enseignants et tendent presque naturellement à cumuler sur ces mêmes personnels des responsabilités dans le domaine de la recherche. En fait, rien n'est encore réellement écrit nulle part au sujet d'une quelconque hiérarchie en recherche: le grade n'est pas la fonction et tout le monde est général (docteur), c'est l'armée mexicaine. Les rapports hiérarchiques en recherche fonctionnent par un processus d'engagement où la personne engagée n'a pas d'autre choix que d'aller vers l'objectif fixé, plus ou moins d'un commun accord. Engagement à préparer une thèse: vous avez un directeur de thèse. Engagement à préparer une "habilitation à diriger des recherches", c'est pour l'instant moins bien défini que pour l'ex thèse d'Etat (où il y avait aussi un directeur de thèse) mais on sent bien que tout cela ne va pas tarder à être nettement plus codifié... Engagement à sous-traiter l'encadrement d'un thésard: cela peut supposer des tractations verbales, des négociations, des promesses d'action en faveur de votre promotion (vous faire passer l'habilitation) etc... car rien n'est automatique dans ce domaine d'autant que le sous-traitant ne touche pas la prime d'encadrement. Diriger une thèse sans disposer de sous-traitants dociles en sciences est maintenant virtuellement impossible (voir complexité). La pratique de la codirection de thèse existe, d'après des commentaires exprimés par certaines commissions universitaires, son défaut est de rendre incertaine l'identité du véritable directeur (car il ne saurait y en avoir qu'un ...!). Le plus étonnant c'est que le jeu des relations hiérarchisées en recherche fonctionne par habitude: une continuation des engagements passés (thèse, voir aussi les rites de l'accueil...) alors même que les objectifs de ces engagements ont été atteints. - Congrès. Comme tous les ans, voici venir l'époque des inscriptions aux congrès internationaux, qui poussent généralement comme des champignons aux alentours de juillet-août. Et voici venir les emmerdes administratives afférentes. Date butoir pour l'inscription au congrès qui m'intéresse : premier mai. Nous avons le temps direz-vous. Pas si sûr... Premier problème, comme toujours, l'administration refuse de considérer le bulletin d'inscription au congrès comme une facture. L'administration (française) souhaite envoyer aux organisateurs du congrès (des polonais) un bon de commande, et recevoir en retour une facture... Là, on est déjà parti pour 15 jours de délais, avec peu de chances que nos polonais comprennent ce que veulent ces petits français.. Et même si ce bon de commande n'est pas mis à la poubelle en Pologne, que risquons nous de recevoir comme facture ? Probablement un bulletin d'inscription... Et de toutes façons, comme il faut au minimum un mois à la comptabilité pour parvenir à réaliser un transfert de fonds, il sera trop tard. Il faudra donc réaliser un paiement sur fonds personnels (chose fortement déconseillée par l'administration), les particuliers n'ayant, eux, aucune raison de mettre en doute l'équivalence entre un bulletin d'inscription et une facture. Comme dit P. Meyer, on vit une époque formidable. C'est Nabuco qui fait la loi. Il faut remplir toutes les cases de Nabuco. Dire à l'avance combien d'argent rentrera dans les caisses, et à quoi il sera dépensé. Les personnes chargées de la comptabilité harcèlent en permanence les responsables de lignes budgétaire pour pouvoir renseigner Nabuco. On se croirait revenus à l'époque de Carthage et des dieux exigeant des sacrifices humains pour réaliser les souhaits des mortels. Oh grand Nabuco, accepte nos présents en gage de notre soumission à ta volonté. Il parait même que Nabuco voudrait avoir une copie de mon invitation. Qu'en fait-il ? Mystère. -Conspiration des anciens. Même si ils n'ont que très rarement publié ensemble (et encore, ces quelques publications remontent au temps de leur thèse et la collaboration était probablement imposée par le père fondateur du laboratoire), les plus anciens forment un groupe extrêmement soudé dès lors qu'il s'agit de défendre leur intérêt commun : le contrôle par eux et eux seuls de l'essentiel. -Contrat. Rarement obtenu pour votre seule bonne mine et compétence. Argent contre savoir-faire et projet précis intéressant l'investisseur. Rejoint les problèmes posés par la recherche qu'on vous fait faire, à moins que l'idée ne soit de vous. L'investisseur est parfois l'Etat par le biais de la dotation. Il y a toujours un paragraphe "effectifs mobilisés" sur le projet de contrat. Comme directeur de laboratoire, chef de groupe où d'équipe, vous avez en principe un personnel sous votre responsabilité. Il y a au moins deux façons extrêmes de décrocher et de réaliser le contrat. Vous rédigez seul le projet, vous ne consultez pas les experts que vous affectez à des tâches scientifiques spécifiques au projet, vous gérez seul l'argent obtenu (en général pour quatre ans), les bilans annuels que vous rédigez restent confidentiels. Si cela marche c'est vraiment que votre personnel est bien dressé. L'autre façon consisterait à le faire en équipe à tous les stades, une utopie... -Couloir. D'après un petit entrefilet paru dans La Recherche (date???), un des lieux où certains n'ont qu'a passer pour co-signer un article scientifique. Cela pourrait se confirmer. -Coupable. Face à votre administration, vous êtes coupable de mauvaises intentions. Il est clair que vous êtes sur le point de détourner l'argent public à votre profit. Le nombre de justificatifs qui vous est demandé est impressionnant, avant et après mission ou commande de matériels, les signatures de personnages divers s'accumulent sur les ordres de mission et les bons de commande et factures. Le moins que l'on puisse dire est que la confiance ne règne pas. -Crampe de l'écrivain. Le record de production d'articles scientifiques par un auteur (avec éventuelles co-signatures) sur 10 ans est proche de 1000 (Nature, 355, 101, 1992). Il faut avoir installé un système quasi-automatique et/ou disposer de ressources humaines dociles pour arriver à une telle performance. Aucun français parmi les 20 premiers. La liste des 20 français les plus prolifiques est-elle souhaitable ? Certainement, même si elle ne serait pas forcément du goût des lauréats. Interpellés, quelques-uns des 20 premiers mondiaux ont trouvé des explications plausibles. La production du chercheur moyen serait plutôt en dent de scie. Dans le cas du laboratoire test, les extrêmes annuels sont compris entre 0 et 21. Cela fait tout de même un article tous les 15 jours environ dans le dernier cas. Consultez les listes des chercheurs les plus cités en chimie, en cristallographie ou en physique, constatez lesquels sont les plus productifs (sur ce serveur : http://pcb4122.univ-lemans.fr/cit.html). Ces listes sont certainement intéressantes au moins pour d'éventuels post-doc : qui et ou sont les meilleurs dans certaines spécialités. Mais ensuite, c'est à vous de voir si un post-doc chez quelqu'un de trop occupé est vraiment mieux qu'un post-doc chez un autre qui aura du temps à vous consacrer. -Crédits. Somme d'argent annuelle instable allouée pour fonctionnement ou équipement, systématiquement révisée à la baisse avant la fin de l'année. Attendre le feu vert du comptable avant de pouvoir y toucher en début d'année. Même si vous co-signez 25% des publications qui servent à étayer les demandes de crédits, vous ne pouvez pas en approcher. Ces crédits sont globaux et uniquement à la discrétion de ceux qui détiennent la signature. Bel encouragement au travail. -Critère d'évaluation. La liste est longue en relation avec les missions qui sont définies dans les statuts des personnels. Remarquez que ces statuts évoluent et des missions supplémentaires peuvent apparaître au fil du temps. La liste est si diverse qu'il n'est pas possible d'exercer simultanément toutes les activités qui sont votre raison d'être: accroître la connaissance, la diffuser, administrer... -Critique. Impossible de l'exprimer sans déclencher la tempête. Il va de soi que l'Université ne saurait supporter des écrits pouvant être interprétés dans un sens qui la dévaloriserait (ce qui en dit long du pieux silence couvrant quelques textes de membres éminents, la lecture de "Homo Academicus", oeuvre d'un médaillé d'or du CNRS est ici recommandée). Contrairement à tout ce que l'on pourrait croire, ADRA est une apologie du métier de chercheur exercé sous contrôle du chercheur lui-même. Cette opinion est bien-sûr considérée comme indéfendable par les caciques de tout poil qui risqueraient de manquer d'exécutants si il prenait l'envie à chacun de tenter de l'appliquer. Exprimer ouvertement ces idées suppose l'absence d'un plan de carrière. Ecrire ce texte tout en demandant une promotion est, disons, maladroit. -Décideur. Homme capable de réaliser l'acquisition pour le laboratoire d'un appareil à 2 ou 3 MF sans autre raison que l'observation que cet appareil existe dans les laboratoires concurrents. Il ne l'a jamais utilisé lui-même, il n'a qu'une vague idée de ce à quoi cela pourra servir et d'ailleurs, pour tout le travail de recherche publié du laboratoire, cet appareil n'a pas été nécessaire jusque là. A son prochain dossier de demande de promotion, le décideur pourra mentionner qu'il était responsable de cette opération. Que quatre ans plus tard il n'y ait toujours pas de résultat probant issu de cet appareil n'aurait aucune importance. Par exemple, il pourrait ne pas avoir été prévu que les produits les plus couramment étudiés au laboratoire ne supportent pas le traitement infligé par l'appareil et soient détruits avant d'avoir le temps de faire la mesure... De toutes façons, le décideur ne s'en est plus occupé depuis et personne ne lui demandera jamais des comptes. -Dégraissage. A l'occasion d'une restructuration, élimination (de l'organigramme du laboratoire) des enseignants non-productifs en publications. Menace qui fait réfléchir... -Demander. Ne rien demander est le plus sûr moyen de ne pas se voir opposer un refus. L'autre moyen est de rentrer dans le club des décideurs. -Dent. Voir parquet. -Dieu. Le chercheur de plus haut niveau à votre portée. La recherche est polythéiste. -Directeur. Il y a trois sortes de directeurs de laboratoire les nommés, les élus et les "pères fondateurs" (qui entrent dans la classe des "nommés" dès lors qu'ils parviennent à associer leur labo au CNRS). La motivation du personnel ne peut pas être la même dans ces trois cas de figure. Assez peu de gens ont vécu les trois possibilités au cours de leur carrière et les directeurs élus se font de plus en plus rare. Le pilotage par le sommet est incompatible avec une élection locale du directeur ! Comme thésard de 3ème cycle il va de soi que vous n'en serez qu'au stade de l'observation des mécanismes de décision locaux; en habilitation dans un deuxième laboratoire ce sera aussi un round d'observation. Vous pourrez un jour vous trouver face à une évolution locale brutale du type de celle qui est racontée ici. Une petite coalition d'anciens peut chercher à faire jouer une des rares règles existantes au CNRS concernant les directeurs: ceux qui sont nommés le sont en principe pour quatre ans renouvelables (c'est peut-être une règle qui n'incite pas vraiment un directeur "à vie", puisque père fondateur, a associer "son" laboratoire au CNRS). Un des membres de la coalition (voir conspiration), bien placé auprès de la direction du département scientifique peut parvenir à faire valoir qu'un changement de direction s'impose. Il peut même arriver à rattraper une gaffe de la direction du département qui demandait au directeur s'il souhaitait être renouvelé. Le problème du choix du remplaçant doit alors être résolu. Le demandeur de changement ne pouvant manifestement pas être candidat sans éveiller quelques soupçons, le choix se porte tout naturellement sur les deux autres membres du laboratoire distinctement plus gradés que tous les autres (si concertation il y a, vous n'y serez pas convié). Manquant de tradition locale pour régler un tel cas, ce peut être l'occasion d'une innovation. Parmi les options crédibles on peut imaginer une élection avec des variantes sur le plan de la sélection des électeurs (tous les permanents; les permanents non ingénieurs/techniciens, les permanents de grade supérieur à ceci-celà...), ou une nomination impartiale venant d'en haut. Il n'est pas exclu que dans un élan égalitaire, admirable au premier abord, la décision finale soit annoncée lors d'une réunion des membres permanents du laboratoire (jusque là totalement ignorants). Le hasard (pile ou face) peut avoir désigné l'éventuel nouveau directeur pour deux ans, celui-ci cédera la place au perdant pour les deux années suivantes, parvenant ainsi au total nécessaire de quatre ans. Vous devrez alors sur le champ manifester votre accord par oui ou non au cours d'un vote à bulletin secret. Il est probable dans ces conditions qu'un oui enthousiaste se manifestât à une écrasante majorité, digne d'avant la chute de Berlin (qui pouvait tomber d'ailleurs juste à ce moment là). Notez que vous n'aurez pas eu un instant de réflexion. Pour cette parodie d'élection, il n'y aura pas eu de campagne: pas question de programme, de changement, de consultation, de politique de recherche du laboratoire ou autres billevesées. Pas de promesse électorale donc, et en conséquence aucune obligation à rien pour le nouveau maître provisoire de la situation. Si deux ans plus tard, vous apprenez que changer de directeur tous les deux ans ne fournirait pas aux instances d'évaluation l'image d'un laboratoire stable et n'est donc pas souhaitable, ce ne sera pas trop étonnant. Vous aurez joué à pile ou pile. Remarquez que l'ambiance pourrait devenir telle que six mois plus tard le directeur démissionnerait sans explication officielle, mis à part l'aveu d'une "lassitude face à certains comportements". -Discrimination. Exemple: "je n'accepte que les directeurs de laboratoires comme interlocuteurs", paroles qui pourraient très bien être prononcées par un délégué régional du CNRS lors d'une visite locale et en présence de tous les personnels de plusieurs laboratoires. -Dotation. Rien à voir avec le mariage. Pourtant, avoir une dotation peut créer une situation favorable à la création d'un ou plusieurs nouveaux couples. Devinez qui porte la culotte. Un chef d'équipe peut très bien obtenir une dotation supérieure à celle de l'ensemble du laboratoire. Si on procède par soustraction, cela signifie que l'ensemble des permanents est moins bien évalué qu'un groupe d'entre eux. Il devient clair que les non-membres du groupe sur-doté ont une côte négative. Bonjour l'ambiance. -Echec. Sans doute la chose la plus difficile à reconnaître pour un chercheur. Voir tiroir. -Editeur. Homme responsable d'un périodique scientifique, à courtiser. -Empapaouter. Mot réservé au langage parlé à l'abri des oreilles indiscrètes. Pour illustrer, voici un exemple d'empapaoutage. Une collaboration entre des chercheurs de deux laboratoires produit des résultats publiables, un premier texte est rédigé, la liste des coauteurs est fixée. Des échanges entre les coauteurs des deux laboratoires permettent d'arriver au texte final. Ce texte est envoyé à l'éditeur par un des coauteurs qui écrit alors aux autres. "Tout est parfait, j'ai fait lire l'article à Monsieur le Professeur X qui l'a trouvé excellent. Comme vous pouvez le constater, il n'a rien modifié. Je l'ai naturellement ajouté à la liste des coauteurs". Exercice: devinez qui s'est fait empapaouter. Les termes de filiation sont fréquents dans la profession, voir grand-père, ou de religion (Dieu). Un exemple plus subtil: certains considèrent la place de dernier cité parmi les coauteurs comme une place de choix (voir quantité) car elle désigne tacitement le grand coordonnateur du travail. En conséquence, être à cette position sans être le plus réputé/puissant/reconnu des cosignataires vous place au-dessus de celui-ci et le sentiment d'avoir empapaouté ce grand homme serait dès lors légitime, d'après la définition. Que dire de celui dont le nom figure dans les effectifs déclarés d'une demande de contrat et qui l'ignore. Une variante est qu'il le sait, mais que le dossier ne lui est pas communiqué. Dans la même veine, que dire des membres d'un laboratoire qui n'ont l'occasion de lire un plan quadriennal (qui pourtant les engage tous) qu'après qu'il ait été soumis au ministère, sinon qu'ils se sont fait empapaouter. -Engagement. Manière d'obtenir un travail
de quelqu'un d'autre si vous êtes celui qui engage. Manière
de livrer toute sa production de recherche à celui qui vous engage.
L'engagement se produit aux grandes étapes de votre carrière.
Comme thésard vous n'avez pas le choix, tout votre travail sera co-signé
par votre directeur de thèse. Comme débutant
au CNRS sur un thème affiché ou non, vous êtes intégré
à une équipe et engagé à
soumettre votre production au chef d'équipe. Vous pouvez mettre votre
épée de chevalier au service de votre suzerain et encadrer
les thésards qu'il engage (vous en êtes bien incapable, vous,
de trouver seul les thésards en question, et de toutes façons,
vous n'êtes pas habilité à diriger des recherches). Si
vous avez été recruté sur place, vous restez engagé
sous la coupe de votre directeur de thèse sans même vous en
rendre compte tellement cela paraît naturel. Dix ans d'ancienneté
(ou plus !) et toutes les publications co-signées par votre ex-directeur
de thèse, ce n'est pas rare. Si c'est votre cas, pensez que vos collègues savent que l'on ne peut rien vous
proposer comme collaboration sans voir sortir
de sa boite votre propriétaire, vous n'êtes pas libre, vous
êtes engagé. A perpétuité, jusqu'à ce que
mort s'ensuive, mais peut-être attendez-vous votre tour, votre heure,
vous espérez hériter... - Enseignement. De 1 MF à 50 F, soit un rapport de 20000 à 1 pour des tarifs d'heure de cours... Illustration de l'échelle des valeurs des intervenants extérieurs effectuant des cours à l'Université ou ailleurs.. Commençons par le maxi. Mr. Clinton a été vu récemment à Roland Garros (2001). Il peut assurément se payer le billet. A cette occasion, sa côte actuelle pour une conférence a été précisée : 1MF. Si une université veut l'inviter, combien une heure de speech de Bill vaut-elle en heures complementaires (HC) équivalent TD (EqTD) ? Environ 4000 ! Mme Thatcher le fait à 50%. VGE n'est pas donné non plus. Pour beaucoup moins cher on peut obtenir des pointures locales de la Chambre de Commerce, des patrons d'industrie, des hauts responsables d'administration. Je ne connais pas les tarifs maximums qui ont pu se pratiquer pour des interventions d'extérieurs dans les universités françaises (jusqu'à 2000 F de l'heure ???). Ces intervenants extérieurs se multiplient dans les filières de type licence pro. Ils sont également nombreux dans le cadre de la formation continue. Cela peut être sur des budgets de la formation continue comme sur des budgets d'UFR. Nous connaissons tous des formations à prix d'or, de 15 à 30000F les 3 jours, par personne. On peut soupçonner que les enseignants qui effectuent ces cours ne sont pas au SMIC comme les enseignants chercheurs (EC) universitaires (pour des HC). Ce qui est scandaleux c'est plutôt ce tarif minimum appliqué pour les HC des enseignants universitaires lambda. Il serait amusant que tous les enseignants se mettent à négocier leurs contributions en dehors des heures statutaires plutôt que de se faire exploiter à 250 F pour théoriquement 5 heures d'activité (puisqu'on admet en moyenne 4 heures de préparation pour 1 heure de spectacle), soit 50 balles de l'heure (un tarif similaire à celui pratiqué par McDo pour ses employés de base, somme toute). Vous me direz que certaines HC ne demandent aucune préparation, dans ce cas, il faudrait considérer plusieurs tarifs, des HC sans préparation et des HC avec préparation... Depuis un siècle, l'Université a laissé se dégrader son image. Nous sommes aujourd'hui au point minimal. Pas possible de descendre plus bas. Le travail d'un EC effectuant des HC est pratiquement rémunéré au niveau le plus bas de la République. Il ne faut pas se tromper de scandale. Cela dit, les EC semblent presque ravis de cette tarification, au moins ceux dont l'enseignement ne demande pas ces heures de préparation (ou alors une seule fois amortie pour des cours répétitifs). Et pourquoi des étudiants viendraient-ils s'incrire à l'Université lorsque les cursus les plus élevés (thèse) les conduisent à devenir EC ? Bof ! -Equipe. Mot de mieux en mieux défini dans le domaine de la recherche. A chaque nouvelle circulaire des instances supérieures s'ajoutent des caractéristiques nouvelles. Au football les règles ne changent pas excessivement souvent, en recherche elles s'affinent de plus en plus, de recommandations (sur la façon de présenter les rapports de laboratoire) en formulation écrite des critères selon lesquels vous serez évalués individuellement ou collectivement. Parmi les dernières précisions, jusque là jamais officiellement déclarées par le comité national, on trouve: une équipe se reconnaît à X thèses par an, Y conférences invité, Z contrats ...etc.. X, Y et Z en courbe ascendante perpétuelle. Si vous comptiez faire équipe surtout avec vous-même, cela va être de plus en plus dur. Tout là-haut, ils ont décrété que du bon travail de recherche ne peut plus se faire qu'en équipe, dont ils seront les chefs et l'esprit. -Equipement. Tout objet matériel qui entre au laboratoire pour servir à la recherche. Vous pourrez très bien voir arriver dans le bureau que vous partagez avec une collègue et deux thésards, un complément d'équipement visant à améliorer les performances d'une binoculaire qui était déjà là, utilisée très épisodiquement. Quelqu'un d'un autre bureau, équipé d'une binoculaire bien plus moderne, peut avoir imaginé qu'améliorer les binoculaires des autres bureaux limiterait la circulation devenue trop intense et insupportable dans son propre bureau. Une enquête d'utilité publique n'est pas nécessaire si un autre modèle de binoculaire identique à celui que vous avez sous les yeux doit être modernisé simultanément dans le bureau du directeur. -Essaimer. Lorsque votre formation est terminée et que vous faites partie des chercheurs de haut-niveau, il vous est fortement recommandé par certaines commissions d'essaimer pour diffuser ailleurs vos connaissances et votre expertise. En effet à l'endroit où vous venez d'être formé, votre savoir existe déjà et vous faites double emploi avec vos formateurs si jamais l'on vous recrute sur place (et même, vous faites concurrence). Pourtant, un pourcentage élevé des nouveaux recrutés le sont sur place. -Eux. Pas nous. -Evaluation. Mot d'origine récente. Exercice régulier et de plus en plus codifié (voir critère) qui semble maintenant nécessaire au non-endormissement des chercheurs de haut niveau sur leurs lauriers ainsi qu'a remonter les bretelles des chercheurs de bas niveau. - Excellence. Un député de la chambre européenne, lors d'une commission concernant l'évaluation de l'excellence des grands centres de recherche, a posé une question candide : un chercheur isolé peut-il être un centre d'excellence à lui tout seul ? Je n'ai pas la réponse des experts certainement appelés en consultation... Cela dit, un éminent collègue a estimé que le nombre des publications d'excellent niveau était inversement proportionnel au carré du nombre des chercheurs dans un groupe. Il semblerait donc que l'unité minimale d'excellence soit effectivement le chercheur isolé. On doit alors se demander si la notion de taille critique n'est pas à revoir. -Faculté. Si vous avez le choix, préférez débuter votre carrière dans une Faculté jeune, ou même en pleine création. Vos chance de devenir responsable en seront grandement améliorées. La vitesse d'avancement sera affectée d'un coefficient multiplicatif certain car tout ce qui se fera après votre arrivée, vous pourrez dire que vous y étiez, peut-être même pourrez-vous dire plus si vous êtes Décideur. -Fédération. Mot apparu pour justifier les fusions de petits laboratoires en entités de taille critique pour une meilleure efficacité sur le plan de l'organisation de la recherche. Diviser pour régner reste de mise. -Formation. En recherche, il y a deux sortes de formation: à la recherche et par la recherche. Dans le premier cas on vous apprend à résoudre des problèmes dans le second on résout vos problèmes en votre présence (on = directeur de thèse ou personnel technique ou autre chercheur consentant ou autre thésard). C'est après la thèse que cela peut faire une différence. Les compétences réelles du nouveau docteur ne sont pas forcément à la hauteur de la thèse en cas de formation limitée au deuxième type. -Formulaire. Principal support du changement. En effet, les formulaires réclamés par les organismes de tutelle doivent être retournés remplis, cela va de soi. Si un nouveau formulaire vous réclame les noms des chefs d'équipes et des chefs de groupes alors qu'il n'y avait jusqu'alors ni groupe ni équipe, il risque fort de s'en créer à cause du formulaire. Une mise en question de la nouveauté du formulaire a peu de chance de se faire. Le changement est suggéré par le haut simultanément à des centaines de laboratoires. -Gentil. Vous trouvez que votre chef d'équipe est gentil. Il n'a aucun mérite si vous le servez bien. Il sera gentil avec vous tant que vous le reconnaitrez comme chef, pas plus. Il peut rester gentil avec vous aussi dans des circonstances qui vous amènent à vous en aller contre votre "volonté". Vous aurez alors le statut de contact extérieur. -Grand-père. Situation de celui dont un ex-thésard recruté sur place dirige une thèse. Il n'est pas rare que le grand-père soit invité comme membre du jury. L'arrière grand-père ne vient pas nécessairement assister à la soutenance, pour des raisons diverses. -Groupe. Mot immédiatement inventé après le mot équipe. Grosse équipe ou association d'équipes. Pourtant, le ministère vient de déclarer qu'un labo est une seule et même équipe... Comment concilier cette vue et celle du CNRS ? -Guidedu directeur du laboratoire. Il vient de paraître. Bien sûr, il n'est envoyé qu'aux directeurs. Les petits curieux qui veulent savoir ce qu'il contient devront se débrouiller. Le plus simple est de le demander à votre directeur : celui-ci ne doit pas être le seul à savoir à quelle sauce il peut vous manger, vous devez aussi le savoir, non ? -Habilitation. La thèse d'Etat a vécu, elle servait de passage obligé pour une progression de carrière, sauf dérogation. L'habilitation à diriger des recherches rempli maintenant un rôle similaire et son contenu évolue rapidement vers celui de l'ex-thèse d'Etat. -Haut niveau. Pas gentil, méprisant même pour ceux qui n'en seraient pas, vous sans doute à qui ce livre est destiné. -Idées (la semaine des 35 idées). Ah, le "Rapport Roché" tombe à pic pour nous remonter le moral. Je ne blague pas. Son constat est sans appel : la durée réelle de travail des fonctionnaires se situe, en moyenne, entre 35 et 37 heures, soit une norme inférieure aux 39 heures en vigueur dans le secteur privé. Alors, pourquoi se sentir subitement mieux ? C'est très simple, j'ai plutôt la sensation que les personnels motivés par leur boulot, à l'université, lui consacrent de 45 à 60 heures par semaine, sinon plus. Ce qui explique la sensation agréable de ne pas faire partie de cette sous-classe de la population que l'on n'hésite pas à qualifier de fainéante. Bon, évidemment, il s'agit peut-être de 45 à 60 heures de rêvasserie en attendant que surgisse l'idée géniale (et laissez-moi vous dire que des idées géniales, le chercheur de base n'en ramasse pas des cageots). Et si vous avez cette fumeuse idée chez vous, à deux heures du matin, qu'ont prévu les syndicats ? Déjà que la recherche française ne serait pas dans le peloton de tête, il va falloir bien viser pour que la réduction du temps de rêvasserie laisse un espace qui coïncide encore avec les rares eurekas que l'on pousse dans une vie de chercheur. D'autant que c'est plutôt dans une baignoire que cette illumination se produit, généralement. La conclusion évidente serait que les bureaux de nos plus éminents chercheurs soient équipés de salles de bains confortables propices à une meilleure qualité du travail. Et en plus, notre Ministre se soucie de nous faciliter les possibilités de création d'entreprise ou de transfert de technologie vers l'industrie. Tous ceux qui les avaient eues, ces idées géniales, et qui avaient été empêchés jusque-là de réaliser de gros bénéfices, vont enfin pouvoir se remplir les poches (à moins que cette réforme ne se soit basée sur une surestimation du nombre d'idées géniales que peuvent avoir les chercheurs par semaine). Enfin, finalement, si la réforme de l'innovation fonctionne moins bien que prévu, peut-être pourra-t-on le justifier par des considérations sur la facheuse réduction du temps d'idées des chercheurs. Non mais sérieusement, vous y croyez vous, que de grosses quantités de chercheurs sont empêchés de faire fortune par un statut du fonctionnaire défavorable ? Le Ministre, j'en ai bien peur, raisonne comme un politicien-fonctionnaire (muni d'un gros parachute, quoiqu'il arrive, une place toute chaude lui est réservée). Il n'imagine pas une seconde que l'on puisse prendre un vrai risque. Mais comment donc font les entrepreneurs, ceux qui partent de zéro, sans un sous (mais y-en-a-t-il encore vraiment) ? Quant à moi, j'avoue assez peu d'idées réellement novatrices en 20 ans de carrière : mettons une seule. Etait-elle commercialisable ? Hélas non, l'idée n'est pas utilisée plus de 30 fois par an par une quinzaine de chercheurs sans le sous ! J'ai bien fait de ne pas quitter mon poste, et encore mieux fait de ne pas déposer de brevet aux frais de la société. Pas la peine que je coûte encore plus cher au contribuable, pour des prûnes... N'oublions pas que la recherche est le plus souvent exploratoire. La découverte n'est souvent que la conséquence du choix d'un nouvel objet à explorer : on découvre ce qu'il y avait à découvrir. L'innovation c'est en principe autre chose : le déclic, en fait indépendant de votre volonté. Cela fait "tilt" dans votre tête à un moment que vous n'attendez pas, bien que vous n'auriez pas eu cette idée sans toute votre formation (bac + 30 environ), sans les circonstances qui font que vous travaillez sur un certain sujet à un moment donné. C'est la providence (serendipity pour nos confrères anglophones). Essayer de mettre un créneau horaire sur un truc pareil, quelle blague ! -Information.Il en pleut, mais sélectivement, de la revue de presse pour tous à l'information confidentielle. Avec le contrôle des crédits (voir signature), le contrôle de l'information vous donne la seconde clé du pouvoir. L'avènement du Fax a secoué un peu le cocotier et ouvert un nouveau passage. Exemple: Le CNRS mobilise du personnel pour une veille technologique, scientifique, normal; il surveille aussi ce qui se dit dans l'ensemble des média sur le CNRS. Une revue de presse rassemblant l'actualité journalière indépendante concernant le CNRS était un bon moyen de rassembler les personnels autour d'une certaine image de leur "grande maison". Vous avez pu noter l'annonce de l'arrivée imminente par Fax de cette revue de presse dans tous les laboratoires et donc chez vous. Si vous ne recevez toujours rien, vous pourriez envisager d'interpeller votre délégué régional à ce sujet et apprendre que, la maison mère expédie effectivement l'information aux délégations, charge à celles-ci de transmettre aux laboratoires, mais qu'il dépend du bon vouloir du délégué de le faire ou non. Votre délégué aurait donc "pris sur lui", et décidé que de toutes façons, il ne pourrait transmettre qu'avec un jour de retard, pour des raisons d'encombrement de fax et que, pour lui, un tel retard enlevait tout son intérêt au document (deux pages de résumés). Il ne l'avait donc pas transmis. Devant votre insistance, il pourrait vous proposer de transmettre la revue de presse sur le fax de votre site de travail, charge à vous d'en faire des copies et de la transmettre aux 4 autres laboratoires concernés dans l'université. Vous acceptez. Il n'y a cependant rien eu à faire pour décider le délégué à faire transmettre la revue du vendredi, en effet, celle-là ne pouvait être envoyée que le lundi... La situation s'est un peu régularisée maintenant, les laboratoires reçoivent (en principe) tous la revue indépendamment. Celle du vendredi arrive le samedi... Vous affichez immédiatement cette revue sur un tableau réservé aux informations générales. Certains ricanent, ne faîtes pas attention. Est-ce le cas partout? J'en doute, il y a fréquemment un maillon de la chaîne qui "prend sur lui" et décide à votre place. Mieux vaut être informé tard que jamais. -Informatique. Nouvelle discipline probable de sélection pour un futur moderne. Les mathématiques pures ont joué ce rôle dans le passé. Maintenant il faudra être très fort avec un clavier. Il y aura des exclus... Il est indispensable de savoir s'en servir en recherche en général sinon vous êtes mort. Il ne faut pas chercher plus loin l'origine de l'explosion du nombre de publications : le traitement de texte y est pour beaucoup. -Initié. Vous le devenez après avoir gravi quelques échelons et participé à quelques instances plus ou moins consultatives... Vous apprenez à ne pas divulguer certaines informations qui vous sont communiquées en conseil restreint. C'est le début, vous êtes pour l'instant collé à une toile d'araignée, le chemin à parcourir reste long avant de devenir l'araignée, si c'est ce que vous souhaitez. L'initiation a ses rites et son cortège de délits. La rétention d'information (toujours justifiée) en est le moindre. - Inspiration. Si il s'agit de préparer des cours/TD/TP, je pense que la méthode de l'inspiration/aspiration a toujours été à l'oeuvre, dès l'avènement de la découverte de l'écriture, puis de celle de l'imprimerie. J'ai été enseignant universitaire à une époque. Pour faire mes propres cours, je regardais d'abord mes notes prises lorsque j'étais moi-même étudiant, je me plongeais également dans divers ouvrages de référence, et finalement, le "nouveau" cours ne faisait preuve d'aucune nouvelle idée (ou si peu) mais surtout d'un simple réaménagement personnalisé... La recherche scientifique est censée, elle, produire de la nouveauté. Celle-ci est souvent infime et enrobée dans un texte standard qui peut être plagié, ou auto-plagié si vous faites des articles scientifiques qui sont des applications successives d'une même méthode à des cas différents mais voisins. Si des "nègres" se mettent à vendre des articles tout prêts et de qualité suffisante pour être publiés dans Nature ou Science, il y aura des acheteurs potentiels, c'est sûr. Mais remarquez que certains scandales à la signature d'articles sans participation réelle montrent bien que des mandarins sont déjà propriétaires de "nègres". Ils n'ont même pas à les payer, ou alors, en nature, indirectement (poste, promotion...). Rien de nouveau sous le soleil concernant la fraude. -Internet. Dépéchez-vous de vous y exprimer avant que les censeurs s'en mêlent. Toutes les situations existent sur les campus aujourd'hui. On y rencontre le serveur WEB totalement libre, tout au moins dans certaines zones, autorisant jusqu'aux étudiants à présenter une page personnelle si ils le désirent. A l'autre extrême il y a "le conseil de l'institut a décidé que toute nouvelle information installée sur le serveur devra être agréée par le directeur de l'institut". Voilà. D'une Université ou d'un laboratoire à l'autre, autant de degrés dans la censure. Vous pensez bien que si vous demandez une autorisation, elle vous sera refusée. Internet fait peur. Ne demandez pas, installez vos petites affaires, si le monde se presse vers vos productions, c'est la preuve que ce que vous avez offert correspond à la demande. -Interaction. Théorie: deux particules de faible niveau (d'énergie?) ayant séparément une forte interaction avec des particules différentes de haut niveau qui se repoussent, se repoussent aussi. Cette théorie se vérifie chaque jour dans un laboratoire composé d'équipes (ou de groupes ...). La particule de haut niveau est chef de groupe, responsable de thème.... Une analyse de la liste des publications d'un laboratoire au travers des collaborations à deux (permanents co-signant des publications) révèle complètement la structure (hiérarchique) d'un laboratoire. Son examen à travers le temps permettrait d'établir un historique des carrières de chacun. On y décèle des couples, on pourrait même vouloir aller plus loin et dresser le tableau des ménagesà trois, quatre ou plus. Il n'est pas rare d'observer une fidélité parfaite pour au moins un des membres du ménage (100% de co-signature) sur des périodes longues (10 ans ou plus), tandis que les autres membres interagissent à droite à gauche... Le bilan de production 1959-93 d'un petit laboratoire affichant 440 publications permet de se rendre compte. La chronologie aurait une importance non négligeable. L'image globale donnée par ces chiffres serait fortement modifiée si la période analysée était limitée à 1959-80. Parmi les 7 membres permanents du laboratoire d'alors, les 6 derniers se retrouveraient à produire des publications toutes co-signées, en dernière position, par A. INTERACTIONSLe nombre de publications co-produites est au croisement des noms. Les collaborations exemplaires sont en gras (50 à 100% de coproduction pour au moins un des membres du couple). On déduira ce que l'on voudra de ce tableau, mais certes pas que les interactions sont aléatoires, ni toujours libres, ni générales. L'image d'Epinal du laboratoire que l'on pense soudé, cohérent, et tendant vers un même but n'est pas restituée par ce cas particulier, c'est d'ailleurs aussi bien ainsi. Les chercheurs sont avant tout individualistes et jaloux de leur indépendance. Le travail en équipe ne se prête pas à tous les sujets de recherche, loin de là. Une analyse sérieuse du tableau reste à faire. -Intimidation. Ne vous laissez pas intimider. Haut ou bas niveau, tous vos collègues ont le même diplôme que vous, ou presque. Face à un problème de recherche identifié mais qui n'a pas encore été résolu, tous les chercheurs sont a priori aussi démunis. La solution pourrait surgir a priori d'un niveau quelconque, mais elle surgira probablement d'un niveau assez bas et ce sera l'occasion pour quelqu'un de passer au niveau supérieur. -Intrus. Cherchez l'intrus. C'est un exercice auquel vous aurez toutes les chances de vous livrer si vous multipliez les collaborations extérieures. Un intrus (ou plusieurs) peut apparaître au dernier moment parmi les co-auteurs d'un travail en voie de publication. Vous supposez qu'il est membre du laboratoire extérieur, c'est la première fois que vous en entendez parler. Vous vous inquiétez de savoir ce qu'il a fait. Il peut arriver que l'on vous réponde : rien, c'est un thésard qui a besoin de publications pour avoir plus de chances d'obtenir le poste sur lequel il postule. A celui qui vous répond cela, il reste quelques bribes d'honnêteté, mais pas trop. Normalement vous devriez parvenir à faire retirer l'intrus, ou alors ce sera la dernière collaboration avec ces extérieurs aux moeurs d'une logique étrangère à la vôtre. -Invitation. A donner une conférence, à un jury de thèse.... Autant de critères qui démontrent que vous frisez le haut niveau. -Irresponsable. Mot bien illustré par la fable qui suit. Jusqu'à très récemment le CNRS incorporait aux bulletins de salaire les allocations familiales. La décentralisation avait ensuite transféré cette tâche aux délégations régionales qui tous les ans envoyaient donc un formulaire de déclaration de situation à tous les membres du personnel. Une année, le formulaire envoyé au chercheur atypique de service est un véritable torchon, une photocopie de photocopie, mal centrée et quasiment illisible. Il se dit que quelques ratures de plus ou de moins n'aggraverons pas vraiment l'objet sur lequel il déchiffre péniblement "tout changement de situation doit nous être immédiatement communiqué...". N'ayant communiqué récemment aucun changement d'une situation stable depuis au moins dix ans, il remplit tout de même les cases et ose un graffiti supplémentaire expliquant que, tout de même, cela faisait 10 ans qu'on lui écrivait pour lui demander son adresse... Horreur, quelques jours plus tard, c'est le directeur de son laboratoire qui le convoque. Le directeur a reçu une lettre du délégué régional qui le traite d'"irresponsable" et le somme, par la voie hiérarchique, de remplir proprement un nouveau formulaire sous peine de cesser de toucher les allocations familiales. Il ne s'est pas exécuté, il a continué à percevoir ces allocations. Ce sont maintenant les Caisses d'Allocation Locales qui s'occupent de ces formulaires annuels, mieux qu'au CNRS car les adresses et d'autres renseignements sont pré-imprimés sur les documents... Autre exemple d'irresponsabilité: la mienne en publiant ce texte ne fait maintenant plus aucun doute. -Justification. Les actions les plus étranges sont justifiables lorsque l'on arrive à faire coïncider l'intérêt général avec son intérêt particulier. Si vous avez réussi à faire décoller une équipe (former des 3ème cycle que vous parvenez à faire recruter sur place, ils sous-traitent une seconde vague...) et que vous en restez l'unique esprit, alors il est clair que vous êtes, avec votre équipe, un pilier du laboratoire. Tout nouveau recrutement n'est pas pour "élargir votre cheptel" mais pour "renforcer le thème", indispensable à la survie dudit laboratoire. L'augmentation des crédits s'auto-justifie et ainsi de suite, c'est une spirale ascendante. Il faut soit croire vraiment à ce que l'on fait soit être d'une parfaite duplicité. Toujours trouver la justification plausible devient vital. -Livre. Vous souhaitez accéder à un livre qui vient de paraître et qui concerne vos spécialités au plus haut point. Il y a plusieurs solutions. Vous inscrivez votre demande sur une liste à la bibliothèque universitaire et vous attendez. La suite dépend du bon-vouloir du responsable de la bibliothèque. Si vous avez un moyen de persuasion quelconque (grade, copinage, argumentation mettant en jeu des milliers d'étudiants...), le livre sera probablement immédiatement commandé, sinon... Vous pouvez remplir un bon de commande payable sur les crédits du laboratoire, il peut vous être retourné non signé avec l'avis du responsable des crédits internes correspondants: voir bibliothèque universitaire... Si vous avez une dotation personnelle, vous commandez, vous l'avez, votre livre. Votre voisin de bureau est responsable de crédits spéciaux dits "d'enseignement" qu'il utilise à sa discrétion mais toujours pour le plus grand confort collectif des étudiants (achats de livres spécialisés, petit matériel de travaux pratiques pouvant aller jusqu'au micro-ordinateur... une grande partie de tout cela est disponible dans son propre bureau). Si jamais cet homme fait circuler régulièrement un papier où il demande des suggestions d'achat de livres, vous en profitez pour inscrire votre demande. S'il ne le fait pas, vous faites une génuflexion ou deux avant d'entrer dans son bureau et vous débutez une phrase par "s'il vous plaît Monsieur Untel..." Dernière solution, vous vous payez ce livre de votre poche, puisque vous êtes assez nul pour ne pas avoir encore le moindre contrôle personnel du moindre crédit. Même chose pour un abonnement à une revue. Chaque laboratoire de taille suffisante a sa petite bibliothèque, mais il y a sans doute plus de livres et revues dans les bureaux que dans cette bibliothèque. Il est toujours surprenant de constater que des biens achetés avec des fonds publics se retrouvent avec un coup de tampon "Prof. B. K.", par exemple. Il est vrai qu'un sentiment de propriété irrépressible atteint quiconque réalise une acquisition, fut-elle pour la communauté. -Logiciel. Le nouveau racket avec actualisation 2 fois par an. De très bon logiciels sont dans le domaine public, ils sont gratuits mais si vous n'en êtes pas informé, vous pouvez acheter très cher des adaptations, pas forcément de la dernière version d'ailleurs. Ce qui intéresse les auteurs de logiciels à usage scientifique très pointu c'est d'être reconnus dans leur discipline et cités par les usagers dans les publications scientifiques. Quelques dizaines de spécialistes dans le monde sont susceptibles d'utiliser leur logiciel, quelques centaines au grand maximum si la sous-discipline est importante, ou même deux ou trois au départ si elle est en émergence et il n'est guère possible d'être sûr que son logiciel sera un des futurs standards (alors on le publie et il est trop tard ensuite pour protéger l'idée par un brevet). Rien de comparable donc avec les centaines de milliers de logiciels de jeux ou de traitement de texte vendus. Cela doit faire tout drôle à un chercheur de voir un puissant industriel commercialiser une adaptation de son logiciel 7000FF sans autre retombée qu'une satisfaction personnelle et même si il en a été vaguement averti. -Mandarin. Le critère principal pour l'accès à ce statut est peut-être le nombre de présidences de jurys de thèses. Pas moins d'une soixantaine par an pour Jacques Friedel qui sait de quoi il parle. -Mayonnaise. Se dit au directeur d'un nouveau laboratoire : il faut arriver à faire prendre la mayonnaise. Voyez l'ensemble des permanents comme de l'huile, du sel, de la moutarde et des œufs, tandis que le patron est la cuillère qui devra tenir bien droite, lorsque la mayonnaise aura pris. Un soutien sans faille, une exécution sans délai des directives, c'est l'idéal. Il faut parfois un peu de levure de pomme de terre pour y arriver. Certaines ménagères n'y parviennent jamais, c'est bien connu. Le fait que tout le monde veuille être la cuillère plutôt qu'un des ingrédients de la mayonnaise pose éventuellement quelques problèmes. - Médaille. Le CNRS en décerne tous les ans aux leaders de la recherche française. Il y a un langage un peu spécial accolé à ce truc embarrassant auquel n'est même pas associée une prime. Par exemple, je cite la définition de la médaille d'argent : "La Médaille d'argent du CNRS distingue des chercheurs, au début de leur ascension, mais déjà reconnus sur le plan national et international pour l'originalité , la qualité et l'importance de leurs travaux. " Le mot cocasse est ici "ascension". Au début de l'ascension des Alpes Mancelles, ou en route pour le ciel ? Quoiqu'il en soit, tout dépend sans doute de l'âge. A 45 ans, il s'agit d'alpinisme, probablement, et à 58 ans c'est le début d'une ascension céleste, assurément, car entre la fin et le début de l'ascension, il ne reste plus guère de temps... -Médecine du travail. Ne semble pas concerner les universitaires de haut niveau, car si l'on voit bien les camions sur les campus, uniquement des personnels de moins haut niveau y pénètrent. -Ménage à deux ou à trois ou plus. -Mercenaire. Il y a les troupes régulières et les mercenaires. Etre dans les troupes régulières est confortable, on s'occupe de tout pour vous mais vous y perdez votre liberté d'action: tout ce que vous faites a été prévu par d'autres que vous, surtout le chef qui en conséquence co-signe toute votre production. L'autre façon de travailler est au coup par coup, une publication après l'autre, pas toujours avec les mêmes. C'est évidemment beaucoup plus inconfortable, cela suppose à chaque nouvelle opération une négociation des conditions de travail, une définition des participants, et futurs cosignataires, l'établissement d'un contrat moral selon lequel toute évolution nouvelle du groupe de travail dans une direction quelconque doit être discutée par l'ensemble des participants et non pas un seul dans son coin... Le mercenaire est un solitaire, profondément individualiste, qui vend son savoir-faire. Dans les faits, peu de relations de ce type sont constituées, il y a trop d'armées régulières. -Minable. " J'ai autre chose à faire que de m'occuper de vos publications minables " peut vous dire la personne qui s'est arrangée pour être la mieux équipée en moyens de PAO (Publication Assistée par Ordinateur), tout en faisant en sorte que personne ne puisse en faire autant. Vous trouverez toujours quelqu'un pour penser que vos publications sont minables (environ 50% de la population, au minimum). Rassurez vous, elles sont minables, mais pas plus que le million de publications qui paraissent par an dans le monde. -Mission. Vaste domaine d'actions possibles dans le métier de chercheur. Revenons aux annuaires téléphoniques du CNRS qui donnent cette fois encore une illustration parfaite. Dans la liste des thèmes de recherche des unités, il arrive d'en rencontrer certains qui vous laissent perplexe. Lu dans l'annuaire 1993 du département des sciences chimiques: "administration et gestion" (p.25); "direction" (p.32); "responsabilités administratives" (p.36); "opérations techniques et tâches d'intérêt collectif" (p.79); "gestion financière du laboratoire" (p.90); "rattachement pour ordre" (p.121); "mis à disposition..." (p.141); "vulgarisation scientifique" (p.169); "activités diverses" (p.271); "enseignement" (p.275); "aide à la recherche" (p.277); "opérations ponctuelles" (p.284); . Ceci vous donne grosso modo la liste des missions du personnel chercheur, mise à part la principale. De là à classer certaines de ces missions parmi les thèmes de recherche, il n'y avait qu'un pas qui semble avoir été franchi. Pourquoi pas, néanmoins ces thèmes ne relèvent pas de la discipline des sciences chimiques... -Mobilité. L'idéal pour accroître les potentialités d'un laboratoire en matière de recherche est de recruter un chercheur formé ailleurs pour éviter les conséquences scientifiquement établies de la consanguinité. Tout le monde est d'accord là-dessus, mais il est des circonstances où l'on souhaite conserver un excellent chercheur (déjà engagé dans votre thème, c'est à dire aux ordres) plutôt que de faire entrer un loup dans la bergerie qui pourrait en profiter pour travailler sur ses propres idées. D'après l'absence de texte, tout autorise un maître de conférence nouvellement nommé à faire ce qui lui chante en recherche, si il n'y a pas de thème affiché pour le poste. C'est le cas général des enseignant-chercheurs pour lesquels la décision de créer un poste est liée uniquement au déficit d'enseignants, tandis que les critères de recrutement sont à l'opposé... -Monopole. Il peut-être sur une idée, une méthode un produit, un appareil. Vous pouvez être un passage obligé dans tout ces cas de telle sorte que votre nom reste accroché parmi les co-auteurs de la publication ou, moins bien, dans les remerciements. -Motivations à faire de la recherche. C'est essentiellement de la curiosité. On peut en avoir sur des sujets imposés, c'est quand même plus difficile que sur des sujets décidés par soi même. A un certain moment, les motivations peuvent changer: quête de la notoriété, du pouvoir, de l'argent, mais oui c'est possible dans le milieu de la recherche. Est-on encore chercheur lorsque l'on est essentiellement motivé ainsi (mais appelons cela autrement: motivé par une certaine idée de SON laboratoire), peut-être pas, en tout cas on dispose certainement alors d'un très grand savoir-faire-faire... -Moule. Mot parfois employé dans une phrase du genre: "celui-là, il rentre bien, dans le moule". Ecole de pensée qui vous façonne de telle sorte que tout ce qui est raconté dans ce dictionnaire vous paraît être des critiques injustifiées et des commentaires incompréhensibles. -Nous. La logique de groupe est par nature discriminatoire. Il y a eux et il y a nous. Pour certains "nous" vous êtes dans le groupe "eux", et ce n'est pas très bon pour vous. Géographiquement, la distance ne compte pas. Il y a des "nous" très éloignés et des "eux" à quelques centimètres. Ne sentez-vous pas les ondes négatives qui vous enveloppent ? Entre nous, ne voyez-vous pas les choses d'un autre oeil sans eux ? -Ordinateur. Il manque encore un peu de crédits pour que chacun des permanents d'un laboratoire ait le sien sur son bureau. Pas de problème (en principe) pour ceux qui occupent leur bureau seul. Les autres peuvent ruser : placez un ordinateur dans un endroit de la pièce tel que si vous êtes assis à votre bureau, il serait difficile à quelqu'un d'autre d'utiliser ledit ordinateur. Vous pourrez soutenir que cet appareil n'est pas le vôtre et que quiconque souhaitant s'en servir peut le faire, si-si ! Bien sûr, il faut parvenir à faire signer le bon de commande. Encore un an ou deux et tout le monde aura le sien, du dernier modèle à la vieille babasse. Et qui aura la babasse ? Vous. -Organisation. La clé du succès d'un laboratoire est son organisation. L'organisation ne peut-être efficace que bien acceptée par tous les membres du laboratoire. C'est en gros la définition claire de ce qu'il est possible de demander à chacun des individus du groupe avec la certitude de pouvoir l'obtenir. Si rien de tel n'est défini pour l'ensemble du laboratoire, cela peut l'être autour d'un chef de groupe, et à son service exclusif... Sans organisation, il vous reste deux solutions. Soit vous négociez un échange de services sous forme diverse avec la personne qui possède les compétences qui vous intéressent, soit vous prenez le temps d'acquérir ces compétences. Dans ce dernier cas il faut bien réaliser que vous risquez d'être à la retraite avant d'avoir publié un seul texte. Selon ce principe il est parfois plus facile de faire-faire quelque chose à l'extérieur de votre laboratoire qu'à l'intérieur si aucune organisation locale n'est clairement définie. Il existe des organismes de service. Les plus prestigieux sont les TGE (Très Grands Instruments). Leur organisation repose sur un personnel scientifique et technique engagé sur un statut clairement défini: 60% de leur temps doit être consacré à s'occuper des extérieurs dont les propositions d'expériences ont été acceptées... -Osmose. Moyen efficace d'acquérir une formation. Dans une salle exiguë mettez un maximum de matériel (informatique entre autre) et tous vos thésards au travail avec quelques jeunes chercheurs déjà formés. Il en sortira rapidement des résultats remarquables dans des domaines où vous n'avez nul besoin, vous le directeur (de thèse ou autre) d'être compétent. Remarquez bien que ce qui intéresse un thésard au plus haut point, c'est que le problème sur lequel il travaille à l'instant soit résolu le plus rapidement possible. Lui proposer de lui montrer comment faire en s'appuyant sur un autre exemple que le sien ne l'intéresse pas, vraiment pas, vous pouvez tester. Ce qu'il veut bien, c'est que vous lui expliquiez comment faire tout en résolvant son problème, merci. Le phénomène peut jouer à tous les niveaux : aller faire une conférence dans le laboratoire d'un prix Nobel est une démarche de nature clairement osmotique. Le conférencier peut être soupçonné d'espérer une transmission de substance dans un sens ou dans l'autre. Etre écouté par un prix Nobel est une jouissance rare. Ecouter un prix Nobel vous transforme. -Palmes académiques. Utiles avec masque et tuba pour nager en milieu universitaire. Vous pouvez finir grand commandeur en partant à la retraite. Il vous faudra gravir tous les échelons. -Paranoia. Si vous vous croyez persécuté, vous avez raison. Un jour vous pouvez observer que quelqu'un a modifié un logiciel dont une autre personne était la seule à se servir. La modification peut faire en sorte que le programme semble se lancer correctement mais s'arrête abruptement. La raison donnée par le modifieur peut-être : il n'a pas à faire ce type de calcul sur cette machine, il dérange tout le monde. Si vous vous taisez, vous pouvez vous considérer comme complice. Il est clair que le modifieur fait une crasse à un chercheur de plus haut niveau, sinon la procédure eut été plus directe. Quoiqu'il en soit, vous devez comprendre que vous ne pouvez avoir confiance qu'en vous-même, et encore... -Parquet. Il n'y en a plus beaucoup mais une expression a survécu à leur disparition : "avoir les dents qui rayent le parquet". Voir aussi ambition. -Parrain. Petite gâterie que l'on vous fait à votre entrée au CNRS en plus de votre directeur de recherche. C'est un chercheur de haut niveau d'un autre laboratoire, une personnalité désignée (mais consentante) pour suivre les progrès des recherches du nouveau chercheur que vous êtes et en informer le comité national. Il convient que vous vous mettiez en contact avec lui dans les meilleurs délais, afin de l'informer de l'état de vos travaux. Les rapports que doivent envoyer annuellement votre directeur de recherche et votre parrain (sur vous) ne vous dispensent nullement d'envoyer un rapport personnel au CNRS... Cette pratique semble tomber en désuétude, peut-être en raison des connotations maffieuses du terme. -Parricide. Pour progresser, il faut rejeter son père dit en substance J. D. Watson co-découvreur de la structure en double hélice de l'ADN (Science, 261, 1812-13, 1993). Il parle de votre second père, votre directeur de thèse. Vous devez être prêt à le quitter et à prendre des risques. C'est la règle de conduite N°2 parmi les 4 principales qu'il donne à tout chercheur qui souhaite le succès en sciences. Les autres étant : ne côtoyer que des gens de haut niveau, avoir un point de chute en cas de coup dur et ne rien faire qui vous ennuie. - Pénurie. La pénurie d'étudiants en sciences entrainera-t-elle une pénurie de directeurs d'UFR sciences ? On peut se le demander. Une dynamique de décroissance confinant à la catastrophe agit en repoussoir. On assiste déjà à des démissions. Les remplaçants restent introuvables. Les vice-directeurs se terrent. Bientôt des suicides ? -Pianiste. Sous entendu: "ne tirez pas sur le pianiste". Homme occupant un poste essentiel mais bénévole. Rien ne l'oblige à se décarcasser pour vous comme il le fait. Alors ne l'embêtez pas trop, parce que, vous savez, au point où il en est de sa carrière (au plus haut niveau bien sûr), il pourrait tout laisser tomber et se consacrer à son jardin une fois ses tâches non-bénévoles remplies. Une grosse part de l'organisation universitaire repose sur du bénévolat, du volontariat, de l'amateurisme par conséquent, dans le plus mauvais sens du terme. -Pilotage. Tous les bailleurs de fonds veulent tenir le gouvernail, un jour ou l'autre. La politique de la recherche se décide selon les époques au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, ou au ministère de la recherche et de l'industrie, pas toujours en exacte concordance avec les prospectives du CNRS ou d'autres organismes. L'Europe, les régions, les communautés urbaines jouent un rôle croissant à la hauteur des contributions financières. Seules les grandes lignes d'orientation peuvent être pour l'instant données dans la recherche publique: on influe par le nombre de chercheurs recrutés dans certaines disciplines. La décentralisation est une occasion rare de redéployer certains personnels d'Ile de France. Pour le reste, une fois recruté, le chercheur digne de ce nom comprend vite qu'il peut n'en faire qu'à sa tête dans sa discipline. Empilez tout ce que vous voudrez sur son bureau, il peut toujours vous dire qu'il ne trouve pas la solution aux problèmes que vous lui posez. L'argent ne fait pas toujours grand chose à l'affaire. De la recherche innovante peut être réalisée avec du matériel obsolète. Un exemple, celui des fullerènes : bougie et noir de fumée... Les résultats de la recherche fondamentale sont-ils meilleurs en cas de pilotage précis par le sommet? Rien n'est moins sûr. Créer des situations favorables à la naissance d'idées innovantes, voilà le seul pilotage utile, il doit rester assez vague sur les sujets. -Plagiat. Le faible niveau général des français en langues étrangères est bien connu, les chercheurs ne font pas exception. C'est l'anglais la langue de prédilection pour publier un article scientifique. A force de lire des textes dans cette langue, les chercheurs finissent bien par être coutumiers du jargon de leurs propres spécialités et parviennent à écrire leurs articles par collage de bouts de phrases qu'ils repiquent de ci de là. Ce ne sont pas des textes de grande qualité littéraire et la structure des articles est généralement très codifiée pour la présentation d'un type de recherche donné. Il n'est pas rare qu'en ces temps de traitement de texte informatisé les chercheurs aient au moins une partie du texte tout prêt avec des cases blanches où insérer les valeurs numériques. La répétition de l'usage d'un texte personnel n'est plus du plagiat (voir redondant). -Plein-temps. Le chercheur plein temps à vie est une espèce qui ne devrait pas exister, à en croire les enseignants-chercheurs qui sont largement majoritaires. La question n'est pas posée de savoir si enseignant à vie est une situation plus favorable au maintien du haut niveau attendu de tous les universitaires. Enseignant-chercheur à vie est après tout le pire puisque cette profession suppose d'être excellent en permanence pour ces deux fonctions à la fois. -Poids. Combien pesez-vous ? Qu'est-ce qui compte vraiment dans l'esprit des évaluateurs ? C'est comme partout : argent et nombre de personnes sous votre contrôle. Nombre de contrats de plus de 200KF avec l'industrie (hors prestation de service). Nombre de thèses dirigées ou co-dirigées, depuis le début de votre carrière, depuis dix ans, depuis quatre ans. Voilà pourquoi vous êtes inévitablement poussé à écraser vos collégues : ce doit être eux qui vous épaulent et non pas le contraire. Celui qui est épaulé est celui qui signe les contrats, qui dirige, seul (pouah!). Mais bien sûr, plus question d'équipe ou de groupe au moment de la promotion. A-t-on déjà vu une équipe promue au rang de DR1/PR1 ou DR0/PR0 ? Pas à ma connaissance. -Politique. Voir pilotage. -Ponctuelle. Action manquant singulièrement d'ampleur. Diriger une thèse, voilà du sérieux. Intervenir ponctuellement dans la formation du thésard voilà qui est ponctuel, même si cette action est essentielle et rend possible la rédaction d'un chapitre de sa thèse. Moralité : dirigez, n'agissez pas ponctuellement, jamais. -Pot de thèse. Occasion rare de dépenser sainement les crédits. Y aller même si le directeur de thèse ne vous parle plus. -Poulain. Synonyme d'élève particulièrement brillant formé par un chercheur de haut niveau. L'accession au rang de poulain sera facilitée en cas d'attribution d'un prix ou d'une médaille quelconque. -Prime. Carotte destinée à encourager les personnels à s'engager dans une action réputée rebutante. Les dernières inventées l'ont été par des professeurs d'université pour eux-mêmes: primes d'encadrement doctoral, d'enseignement, d'administration.... Existaient déjà: primes de recherche, que l'on cherche ou non.... A la date d'invention des dernières, les décideurs du CNRS ne suivent pas: pas de "revalorisation" de la fonction "chercheur". Les chercheurs plein-temps qui veulent encadrer encadreront gratuitement (la prime est substantielle: 3000F/mois pendant 4 ans pour un professeur de 1ère Classe, et qu'importe si au bout d'un an il n'encadre plus). S'ils veulent la prime, ils n'ont qu'a postuler à un passage dans l'Enseignement Supérieur (autre grand rêve du Ministère de tutelle)... Notez bien que le CNRS n'est pas dirigé exclusivement par des CNRS mais que les enseignants du supérieur y sont majoritaires, imaginez l'ambiance actuelle. Un vague début de révolte dans certains laboratoires universitaires s'est produit à l'annonce de l'attribution de ces primes. Les chercheurs CNRS étant largement minoritaires, le feu s'est éteint, peut-être couve-t-il... Vous aurez du mal à trouver un commentaire sérieux quelque part à ce sujet: couvre-feu des organes de presse du CNRS et universitaires, silence obséquieux des syndicats, étouffements locaux des menaces de "grève de l'encadrement". L'astuce c'est que toute "grève de l'encadrement doctoral" condamne un chercheur du CNRS à plus ou moins longue échéance car l'encadrement fait implicitement partie de ses missions et il est évalué selon ce critère... Localement pourtant, la brutale augmentation des salaires des directeurs de thèse universitaires ayant obtenu la prime (le contrat assure une voiture neuve, modèle Safrane bas de gamme, tous les 4 ans à un professeur de première classe) a pu avoir pour effet de refroidir l'enthousiasme associé à la découverte, à la résolution de problèmes et au travail d'équipe: le directeur de thèse s'est inévitablement retrouvé un peu plus en tête-à-tête avec son thésard, ce qui n'est pas très favorable à la formation de ce dernier. -Principe. Celui de Peters est intéressant mais celui de Moore a plus marqué la recherche académique ces quinze dernières années. Gordon Moore a prédit que le nombre de transistors des processeurs doublerait tous les 18 mois. Une conséquence directe est que le nombre de publications des chercheurs de haut niveau a doublé tous les 4 ans, nonobstant le principe de Peters. -Prix. Il y en a des quantités, gros et petits, avec ou sans pécule. Si nombreux que c'est bien le diable si vous n'en avez pas un vous aussi un jour ou l'autre ou si quelqu'un dans votre entourage n'en a pas un explicitement pour des travaux auxquels vous avez participé. Dans ce dernier cas, soyez précis dans vos rapports ayant pour objet votre promotion: précisez que telle et telle publication que vous avez co-signé font partie intégrante du travail primé de Monsieur le Professeur Untel... Au moins que vous en profitiez un peu vous aussi. Un homme respectable et bien en vue du microcosme local (Université du Maine) vient de me confier sans rire que les prix de la SFC ou de la SFP ne sont décernés qu'aux chercheurs de haut niveau ayant règlé leur cotisation. Je le savais déjà, mais n'est-ce pas trop drôle ? C'est comme au Loto pour gagner, il faut jouer. -Progrès. donner le tableau de période 59-81 et faire comparaison en précisant les pourcentages d'augmentation des publications et donner les 3 raisons principales... -Promotion. Lu quelque part sous le titre - Promotion DR2-DR1: "Les DR2 ayant en principe tous un haut niveau scientifique, on doit savoir pour leur évaluation faire une juste place aux activités diverses. L'intérêt de voir des collègues de qualité s'exercer aux responsabilités diverses (directions de laboratoires par exemple) doit être pris en compte par le Comité National." Détail pour ce cas particulier : l'âge moyen de passage DR2-DR1 pour la section Sciences Chimiques est de 50 ans 6 mois. Que vous conseille-t-on de faire ici ? Vous avez remarqué que le nombre de places de directeur disponibles est faible (aucune dans votre laboratoire si le poste est pourvu). Au premier abord, cette remarque peut sembler bizarre. Mais si vous avez l'esprit tant soit peu cartésien, vous réaliserez instantanément que vous n'avez plus que deux solutions pour obtenir cette promotion. La première est de briguer un poste de directeur dès que vous voyez une annonce de libération dudit poste quelque part (vous pouvez toujours attendre, cela n'arrive jamais). La deuxième solution qui doit vous sauter aux yeux : devenez Calife à la place du Calife. Comment faire ? Pas le choix, il doit partir, c'est encore une autre évidence. Et croyez-vous qu'il partira si tout va bien et notamment si vous l'aidez à faire en sorte que tout aille bien ? Non : si le CNRS est content, il reconduira le directeur dans ses fonctions et ce faisant, le CNRS se privera de l'intérêt de vous voir vous exercer aux responsabilités de directions de laboratoires (par exemple et pour paraphraser). Bon, à ce stade de la lecture, si vous êtes encore là c'est que vous avez un solide sens de l'humour, un peu particulier il est vrai. Mais sérieusement, c'est trop drôle. Convenez que ce critère indispensable pour votre promotion est un "pousse au crime" non déguisé. Vous avez compri ce qu'il vous reste à faire, le tout dans un esprit de saine camaraderie bien entendu, it's more fun to compete, folks. Mais vos dents ne sont peut-être pas assez pointues pour cela, détenir le pouvoir n'est pas votre objectif principal dans la vie, alors restez DR2. -Prophète.Nul ne l'est en son pays, l'adage se confirme dans la recherche, un exemple: jeune étudiant en 3ème cycle, vous êtes fréquemment invités à vous exprimer (et n'avez guère les moyens de rechigner à ce moment là) oralement sur l'état d'avancement de vos recherches. Une fois de haut niveau vous êtes encore invités à donné des conférences mais dans 99% des cas, la conférence se passe à l'extérieur de votre établissement. C'est un peu normal, vos collègues savent déjà tellement bien ce que vous faîtes et de toutes façons, vous seriez invité sur place que vous refuseriez car vous craindriez que le public ne soit pas au rendez-vous sinon hostile. -Prospectives. Si encore celles d'aujourd'hui pour demain étaient fondées sur les excellents résultats des prévisions d'hier pour aujourd'hui. Mais pas du tout. Nos politiques de la recherche oublient qu'ils s'extasient devant les potentialités économiques qui semblent offertes par des avancées que les politiques de la vague précédente n'avaient pas su entrevoir (et personne d'ailleurs). Les avancées de demain ne sont pas dans les prospectives d'aujourd'hui. Qu'on se le dise. -Publication. Petite brique de base servant à la construction d'une carrière, mais seule la qualité compte. L'évaluation de la qualité des publications dépend généralement de la notoriété du journal (on parle de publications de rang A, B, C selon l'importance reconnue du journal). Cette notoriété est associée au Facteur d'Impact (IF). Mais cet IF des journaux peut-il représenter la vraie valeur d'un article scientifique ? L'IF est associé au nombre moyen de citations des articles publiés dans le journal en question. Certes il peut y avoir des articles cités 2000 fois ou plus dans Nature, mais pour un IF de l'ordre de 30, il faut un paquet de publications citées également 0 fois pour faire le bon compte... Attribuer à tout article paru dans Nature la valeur moyenne de l'IF est donc un non sens. C'est largement surévaluer certains articles ou au contraire en sous-estimer d'autres. Ce n'est pas la difficulté à faire accepter un article qui doit compter, mais bel et bien sa qualité intrinsèque. La difficulté à faire accepter un article dans Nature n'est le compteur que de l'opinion des éditeurs de Nature : des gens qui se trompent comme tout le monde, avec un peu moins de chances de se tromper que les autres car les auteurs s'autocensurent en ne soumettant aux revues de prestige que les articles qu'ils pensent être leurs meilleurs. Il peut également se produire qu'un article mette quelques années pour commencer à être cité et le soit alors de plus en plus. L'IF ne mesure les citations que dans un passé proche, et ne tient compte que des sujets "chauds". Si vraiment l'on souhaite une évaluation sur la valeur des articles, il faut faire appel à cette vraie valeur : le vrai nombre de citations dans le Citation Index ou le Web of Science. Il faur retrancher les autocitations et les citations négatives. Et finalement, si l'on souhaite comparer ces nombres de citations entre disciplines, il faut leur affecter un coefficient calculé d'après le nombre de citation moyen dans chaque discipline... Un vrai casse tète chinois. -Qualité. On en parle mais personne n'ose trop préciser de quoi il s'agit. On peut atteindre un haut niveau à l'ancienneté ou être reconnu par des chercheurs déjà de haut niveau. Une fois qu'on est à un tel niveau, on est définitivement bon. Des crédits vous sont affectés sans que vous ayez à les réclamer, la qualité se paie. Les "seniors" de l'Institut Universitaire de France, de création récente, sont la nouvelle élite. Les "juniors" de cette même institution doivent impérativement avoir moins de 40 ans. Ils sont cooptés par les "seniors", encore une histoire de l'oeuf et de la poule qui prouve l'existence de Dieu, car il faut bien un ou des pères fondateurs. -Quantité. Avoir des quantités de publications n'est pas forcément un signe de qualité. N'en avoir aucune est cependant significatif. Des indices quantitatifs arbitraires peuvent être définis. Voici ce que cela peut donner pour le même laboratoire que celui déjà analysé pour le phénomène des interactions entre chercheurs. Ce tableau peut paraître rébarbatif mais son examen et sa compréhension peut rendre service et amener bien des satisfactions. INDICES QUANTITATIFSDéfinitions: IND: Individu.
Les "meilleurs" selon chacun des critères sont soulignés en gras. Un classement compensé par N ou T pourrait désigner d'autres "meilleurs". Lorsqu'au niveau national 80 personnes se disputent 2 postes, il vaut mieux être parmi les 2 meilleurs. Fort heureusement, l'interprétation de l'excellence et du haut niveau n'a absolument aucun rapport avec une simple quantification (nous dit-on). -Quête de la reconnaissance par les pairs. -Rapport. A ce sujet, voici un article publié récemment dans une des Lettres des Départements du CNRS, à la rubrique Tribune Libre, et qui concerne les rapports d'activité des laboratoires. Notez que ce texte avait été soumis au "Journal du CNRS" et non pas au Département en question, qu'aucun accusé de réception ne m'avait été retourné, que je n'ai pas été averti du transfert du journal souhaité au support final, ni d'ailleurs de l'acceptation de diffuser le texte. Fort heureusement ce qui se passe après l'envoi d'un texte à un périodique scientifique n'est pas toujours aussi surprenant. Le titre même de mon papier n'ayant pas été reproduit, je saisi l'occasion pour livrer le texte intégral pour lequel le premier éditeur ne m'a pas demandé de lui céder les "droits de copie". C'est une des rares définitions de l'abécédaire pour laquelle le texte est à la première personne: Une définition plus précise de la mission et des fonctions des dirigeants ainsi que des individus, équipes et laboratoires semble être un souci actuel au CNRS. Un Guide du Directeur de Laboratoire est annoncé (Le Journal du CNRS - octobre 1993); les chimistes ont découvert dans la Lettre n°42 des Sciences chimiques (Juillet 1992) deux listes de recommandations à usage des PUR et RUA d'une part et des fédérations ou départements de recherche d'autre part. Voici une anecdote qui pourrait rappeler que la pertinence d'une recommandation se révèle seulement après usage. J'ai été séduit par l'article 10 de ces recommandations aux RUA: "Un des moyens dont dispose le laboratoire pour rayonner en dehors de sa communauté scientifique est le rapport d'activité qui doit être produit tous les quatre ans... Un effort doit être fait pour que ce rapport puisse être lu au-delà du groupe étroit des spécialistes...". J'en ai conclu qu'a fortiori ces rapports devaient au moins pouvoir être lus par un quelconque membre du groupe étroit en question. J'ai adressé quelques demandes à des directeurs de laboratoires ou chefs d'équipes notoires. Je n'ai pas même reçu une réponse, fut-elle négative. Quels étaient mes objectifs? Je n'en ai pas fait mystère. A une époque où l'évaluation fait rage il est suicidaire de s'y présenter sans préparation. Une auto-évaluation préliminaire est indispensable. Pour cela il ne faut pas seulement disposer des critères d'évaluation mais aussi de points de repères. Comment estimer les performances d'un laboratoire, d'une équipe ou d'un individu sinon par comparaison avec celles des laboratoires, équipes ou individus en concurrence directe (non, le terme n'est pas trop fort) sur un plan international. Croyez-vous qu'un industriel qui aurait la possibilité de consulter légalement les rapports d'activité de ses concurrents n'en ferait pas usage? Imaginez l'économie réalisée par Volkswagen pouvant consulter librement les dossiers de la General Motors. Bien sûr, dans le domaine privé c'est une utopie. Mais l'individu lambda a-t-il vraiment cette possibilité dans la recherche publique, ou bien cette information est-elle réservée aux initiés des Commissions? Ayant donc la sensation que la recommandation n°10 était peu applicable telle quelle, j'ai suggéré à mon département la création d'un service qui pourrait assurer la collecte systématique de ces rapports et leur distribution sur simple demande à quiconque. Voici la réponse: "Les laboratoires ont l'obligation administrative d'envoyer leurs rapports d'activité tous les 4 ans. Les directeurs peuvent répondre positivement ou non aux demandes qui leur sont adressées au même titre que les chercheurs transmettent ou non leurs tirés à part. Il est donc de la liberté et de la responsabilité des directeurs d'unité de répondre à votre demande. Je ferai remarquer ici que 80% de mes demandes de tirés à part sont satisfaites, et que de toutes façons, j'accède toujours (notamment par l'INIST) aux documents qui me seraient refusés par leurs auteurs. La libre circulation de l'information est essentielle pour la recherche publique, la recherche privée n'est pas la dernière à en profiter. Il est vrai cependant que les chercheurs peuvent procéder par omission en ne fournissant pas toutes les informations essentielles dans leurs articles. Plus étrange est le comportement de cristallographes qui écrivent "a list of structure factors is available from the authors", mais restent silencieux à toute requête. On peut comprendre qu'ils craignent la publication d'un correctif, mais à quoi diable croyaient-ils que pouvait servir cette liste, sinon à une vérification? Même dans un tel cas, il y a possibilité de recours: le demandeur éconduit peut s'adresser à l'éditeur. La parade définitive, c'est quand l'éditeur lui-même ne vous répond pas. On peut donc finalement admettre qu'il existe un parallèle entre l'envoi de tirés à part et l'envoi de rapports de laboratoire, mais ce parallèle passe par le non-respect de la règle du jeu, le non respect de "l'écrit donné". Au pire, ce qui est implicite dans la recherche publique c'est que tout ce que vous avez écrit pourra être retenu contre vous. Ainsi, certains laboratoires ne semblent souhaiter rayonner que de façon sélective, en dehors de leur communauté scientifique. Il m'est arrivé d'expédier le rapport de l'URA (...) en réponse à divers types de demande d'information, en particulier pour des candidatures spontanées à un séjour post-doctoral. Je n'ai pas toujours jugé nécessaire d'en aviser le directeur du moment. Mes collègues en curiosité (...) peuvent en déduire qu'il y a au moins une personne à l'URA (...) intéressée par la totalité de leurs travaux, prête à échanger un exemplaire de rapport d'activité. Il est à espérer que les guides ne se transforment pas trop vite en codes ou les recommandations en règles tant que l'usage n'aura pas confirmé leur validité, c'est la morale de cette histoire. Quoi qu'il en soit, un des slogans publicitaires de l'INIST n'est-il pas: "Rapports, Communications, Colloques, ...Tout vos écrits intéressent la Recherche", alors, pourquoi pas les rapports de laboratoires, le dépôt est gratuit. A la suite de la parution de ce texte, susceptible de passer entre les mains de plus de 3000 lecteurs éventuels, un seul volontaire pour un échange de rapport de laboratoire s'est déclaré. Soit très peu de personnes lisent les documents officiels du CNRS, soit ils s'en moquent. Le fait d'avoir co-signé des articles avec une soixantaine de personnes de laboratoires extérieurs ne crée pas de lien. -Rayonnement. Ce mot est inclus dans la liste des critères selon lesquels les chercheurs sont évalués. A vous de faire un chapitre "rayonnement" dans votre dossier avec preuves à l'appui: nombre de citations de vos travaux publiés, conférences invité.... -Recherche. Mot qui cache une telle diversité qu'il est illusoire d'en parler en général. Un point commun est qu'elle met en jeu les relations humaines pour s'exécuter. Selon son cas particulier, chaque individu a accès à une quantité d'information variable sur le fonctionnement à l'intérieur de son propre laboratoire et ne peut avoir qu'une impression sur l'extérieur. C'est seulement sa propre histoire que l'on pourrait raconter, pas toujours reluisante. Bien des choses dépendent du type de laboratoire où vous êtes, de ce à quoi vous avez été engagé au départ et de votre degré de liberté d'action individuelle! Il n'y a aucune règle générale. La démonstration la plus claire de l'absence de règle en recherche est obtenue lorsque l'on observe ce qui arrive à un enseignant-chercheur lorsqu'il cesse de faire de la recherche : rien. L'action " cesser d'en faire " est toutefois définie officiellement par la considération suivante : " absence de publication pendant 4 ans ". -Recrutement. Pour tous, tout commence par un DEA et une thèse. Mais de quelle façon? Là encore les situations sont très variables. On pourrait penser que des étudiants de 22 ans terminant leur maîtrise ont des projets personnels précis. C'est rarement le cas. L'étudiant repérant de lui même un directeur de thèse, proposant de lui-même un sujet d'étude, ça n'existe presque pas. Et d'ailleurs aurait-il la moindre chance d'y arriver de cette manière? Non, les choses se passent différemment. Les professeurs d'universités et autres "habilités à diriger des recherches" ont besoin de thésards, leur carrière en dépend ainsi que quelques revenus supplémentaires délivrés sous forme de prime d'encadrement. Messieurs les étudiants, vous êtes observés, repérés, sélectionnés par des individus qui un jour vous ferons une proposition que vous aurez du mal à refuser: ne souhaiteriez-vous pas préparer un DEA, je me charge de vous encadrer pour la partie expérimentale. Entendez que cette partie est assurée, la conséquence est qu'elle n'a aucune valeur au moment du classement final de la promotion. L'attribution de la bourse, sans laquelle poursuivre en thèse serait bien difficile pour l'étudiant moyen, dépend uniquement de la performance à l'examen théorique. Vous aurez six mois pour assimiler environ 120 heures de programme de "haut niveau". Il faut finir dans le peloton de tête, le nombre de bourses accordées est plus ou moins connu à l'avance. La compétition est certaine... Des organismes sont assez puissants pour disposer de quotas de bourses et recrutent des thésards après DEA (le CEA par exemple). Ils peuvent donc vous souffler vos clients, plusieurs fois par an des annonces apparaissent dans les revues interdisciplinaires les plus lues comme La Recherche, Nature ou Science. Pour garder un étudiant brillant, le futur directeur de thèse (le même que le directeur de DEA si l'étudiant ne s'en va pas) est prêt à tout. Il est clair que ce qui vous attachera un étudiant est votre capacité à régler la question de l'après-thèse: un emploi. On peut imaginer la suite: promesses (fermes mais jamais écrites) conditionnées par la qualité de votre travail à venir, de vous obtenir une fonction à l'université, au CNRS ou dans l'industrie. Puissance personnelle et carnet d'adresse font donc merveilles et les chercheurs de très haut niveau croulent sous les demandes, c'est d'ailleurs un des critères de reconnaissance. Voir aussi accueil. Redondant. Un problème qui disparaîtrait s'il était considéré comme un facteur négatif par les évaluateurs (J. D. Andrade, The Scientist, May 31, 1993). Cet auteur propose même de pointer un doigt en direction des coupables en désignant "l'auteur de plus redondant de l'année" dans les domaines de recherche les plus à la mode. Il est vrai que c'est dans les domaines chauds que vous risquez de succomber au phénomène: votre haut niveau est de plus en plus remarqué, donc on vous invite. Vous donnez des conférences, or les textes de conférence à des congrès internationaux sont de plus en plus publiés; simultanément on vous sollicite pour écrire des chapitres de livre et tout cela consume votre temps, mais enfin c'est tout de même vous qui acceptez et en ce sens vous êtes coupable. Alors il est vrai qu'il n'est pas rare de trouver des textes semblables à 95% ou plus, du même auteur. Petits exercices: procurez-vous les deux articles dont les références suivent et comparez les mot à mot et figure à figure: Proc. R. Soc. Lond. A 442, 113-127, 1993 et J. Non-Cryst. Solids, 156-8, 852-864, 1993; ou encore, comparez les figures des quatre articles suivants: J. Mater. Chem. 1, 113, 1991; J. Mater. Chem. 1, 297, 1991, J. Mater. Chem. 2, 383, 1992, Eur. J. Solid State Inorg. Chem. 28, 397, 1991. Rien à voir avec plagiat. En fin de compte, si vous publiez toujours le même genre de travail, en faisant appel aux mêmes techniques, vous finirez par être coupable de duplication, un délit assez proche de celui de redondance. Evitons la chasse aux sorcières mais que les évaluateurs restent vigilants, à commencer par eux-mêmes. -Referee. Situation de celui à qui un Editeur demande son avis sur la qualité d'un article scientifique qui lui est soumis, avant acceptation définitive. Une fable. Si il vous arrive, en tant que referee, de préciser (sur un ton peut-être trop caustique) que l'omission d'un test essentiel pouvait expliquer des anomalies flagrantes dans le résultat final proposé par un article et que cet article est publié cependant par la suite sans la moindre modification, vous pouvez décider de vérifier par vous-même que votre suggestion était fondée. Cela ne sera pas facile car vous devrez obtenir des auteurs leurs données de base, mais n'écrivent-ils pas "a list of structure factors is available from the authors"? Après quelques péripéties (écrire à l'éditeur car les auteurs ne vous répondent pas), vérification faite, vous soumettez à la même revue un article correctif indiscutable. Ce ne sera pas simple de le faire accepter! Il vous faudra même expliquer pourquoi vous souhaitez le faire. Passons sous silence une grosse part de la liste des barrages successifs que vous devrez franchir. Moralité, il est moins facile de corriger une copie de professeur de haut niveau que de corriger une copie d'étudiant. Il semble même que cela ne soit pas complètement déontologique. Avec Internet, chaque cybernaute est promu referee. Participez, n'hésitez pas à corriger tout ce qui vous tombe sur l'écran si vous avez une critique fondée à formuler. Commencez par rectifier le présent abécédaire qui noircit quelque peu l'image de marque des grands laboratoires de recherche académique ou bien rédigez l'antithèse. -Remerciement. Ajout nominatif fréquemment rencontré en fin des articles scientifiques où sont remerciées les personnes qui ont contribué (souvent il est précisé en quoi) au travail de recherche mais ne sont pas parmi les co-auteurs. Le jour où les articles scientifiques auront un générique comme les films, les choses seront plus claires qu'aujourd'hui. Les évaluateurs peuvent s'y intéresser de plus près dans un futur proche et l'on décèle déjà une approche dans cette direction. Un récent entrefilet dans la très sérieuse revue La Recherche discutait une évaluation de la courtoisie des astronomes par l'analyse de ces remerciements. Une étude similaire a été réalisée dans le cas du laboratoire-test, seuls les remerciements adressés à un des membres permanent du laboratoire ont été décomptés. Seuls ceux qui ont dit merci ou qui ont reçu un merci sont là. Source: 39 publications, cuvée 1992. Se lit dans le sens X remercie Y. YDe ce tableau ressortent deux qualités. Au total vertical, est le hit parade des plus serviables (car les plus remerciés). Au total horizontal, est le hit parade des plus courtois (car remerciant le plus). On remarquera que la répartition des mercis est localisée. Les plus remerciés sont ceux qui sont aux commande d'un appareillage qui n'est pas en libre service. Ils sont donc un passage obligé pour réaliser certaines mesures. Une règle implicite est que la mesure n'est pas de la recherche tandis que l'interprétation de la mesure ajoutée à l'idée de la faire (ou faire-faire) en est. Le pilote de l'appareil peut être d'un avis différent. Il peut traiter à sa convenance une demande de mesure qui lui est adressée. -Renouvellement. Sous entendu du contrat d'association qui lie votre laboratoire au CNRS. A chaque renouvellement son cortège d'innovations et de nouvelles règles. La forme des dossiers de renouvellement évolue vers une définition de plus en plus précise de tous les aspects. L'évolution est subtile mais très certainement réfléchie, toujours vers un contrôle plus serré et une limitation de l'autonomie individuelle du chercheur. La dernière fois, il y avait un formulaire où les thèmes de recherche avec leurs responsables pour les quatre années à venir devaient être précisés. Un autre formulaire réclamait les noms de tous les participants à ce programme de recherche et pour la toute première fois, il était demandé de signer en face de son nom, car il y avait une case prévue à cet effet... Imaginez que vous vous dites que l'on vous demande vraisemblablement de marquer, par cette signature, votre adhésion au programme de recherche indiqué à la page précédente. Obtenir une signature est une technique d'engagement bien connue. Or précisément, il se trouve que vous n'êtes pas d'accord avec le programme affiché. En effet, à l'occasion de ce contrat de renouvellement ne subsistent plus que trois thèmes et trois responsables: une modification considérablement réductrice par rapport à la situation précédente (6 thèmes et 11 co-responsables au total), mais qui d'ailleurs continue (peut-être provisoirement) d'être affichée dans l'annuaire des unités et des personnels du CNRS. Cette modification n'avait fait l'objet d'aucune concertation, sauf probablement entre les 3 responsables qui s'étaient auto-désignés en pleine connaissance de cause. Aucune réclamation d'anciens autres co-responsables de thèmes (voir clignotant). Vous décidez de refuser de signer. Ce refus motive une demande d'explication de la part du rapporteur de la section du comité national chargé du dossier, une explication que vous n'avez aucune raison de lui refuser. D'après lui, cette signature n'avait aucun autre sens que le simple paraphe de la liste des membres du personnel. Pas de suite, il ne vous arrivera rien , mais a priori, ayant déclaré ne pas travailler au nouveau programme mais à l'ancien, vous serez l'unique chercheur reconnu d'un laboratoire fantôme. -Réserve. Le devoir de réserve est-il outrepassé dans cet ouvrage ? Tout dépend du niveau de l'auteur, Il doit être suffisamment haut. Malgré tout, avoir l'accord de la hiérarchie est souhaitable. Un exemple de très haut niveau : J. Attali avec Verbatim. -Respect. Il n'y en a plus, c'est l'effet de masse. Le grade n'est pas la fonction et il faut se battre pour tout: pénurie de bureaux de crédits... D'un nouveau professeur il y a 30 ans ou plus, on attendait qu'il fonde un laboratoire et des crédits lui étaient automatiquement alloués. Les professeurs se ramassent maintenant à la pelle et l'on n'attend plus rien d'eux, ils ne sont plus dotés automatiquement que de leur salaire. Il est vrai qu'il y a professeur et professeur, même d'université: de deuxième classe, de première ou de classe exceptionnelle. Alors, vous pensez, professeur de collège ne vaut plus rien non plus. L'évolution des sciences et techniques est si rapide que les débutants doués en savent rapidement plus sur les nouveautés qui comptent que les anciens un peu fatigués de se réadapter. C'est la compétence qui est respectable, en reste-t-il vraiment à tous les chercheurs de haut niveau ? Il leur reste leur connaissance des rouages du système, leur carnet d'adresse, une capacité professorale à parler de tout sans savoir véritable. -Responsable. Mot d'origine récente dans le domaine de la recherche: n'apparaît dans les rapports de mon propre laboratoire qu'à partir de 1983, et encore un seul responsable est déclaré: le directeur. Dans le rapport de 1989 surgissent sans prévenir (en ce qui me concerne) des nouveaux responsables, un par thème de recherche. Il est clair qu'il vaut mieux être responsable de quelque chose, cela est maintenant explicitement réclamé par les commissions qui examinent votre dossier au moment d'une promotion. Des trésors d'ingéniosité sont dépensés pour se faire déclarer ou s'autodéclarer "responsable". Seul l'aspect recherche est abordé dans ce dictionnaire, ce qui limite franchement les occasions d'en rire, cependant les responsabilités sont diluées à différents niveaux aussi en recherche. Le fonctionnement et l'organisation du laboratoire fournissent l'occasion de s'exprimer à toute une série de responsables intronisés souvent en réunions plénières. responsable des gaz, de la bibliothèque, de l'informatique, de la sécurité.... Certains postes sont plus intéressants car ils vous donnent le contrôle de crédits importants pour des usages qui vous intéressent directement. Une fois responsable la tradition locale peut vous donner le droit de décider seul, même pour des engagements de l'ensemble de la population du laboratoire. Responsable d'un thème de recherche officiel du laboratoire: là cela relève de l'autodéclaration, supportable si quelqu'un ne se déclare pas responsable de vos activités, beaucoup moins drôle dans le cas contraire. Voir annuaire. -Ressources humaines. De qui l'êtes-vous ? -Restructuration. Mauvais synonyme de "changement de nom de laboratoire". -Résumé-type. Communiqué le 24/01/96, le nouveau formulaire dit "résumé-type" est prévu pour permettre une comparaison "sérieuse" entre les différents candidats à une promotion au CNRS. Entre autres on y réclame les "Principales avancées effectuées par le candidat ces quatre dernières années (on se limitera à une phrase par avancée considérée comme importante par le candidat)"; le nombre de publications, conférences invitées, thèses dirigées (...) depuis le début de votre carrière, ces 10 dernières années, ces 4 dernières années (ne faiblissez-vous pas un peu ces derniers temps, cher candidat à une promotion ? ) : le nombre total de contrats (hors prestation de service) supérieurs à 200KF, etc... Bon, récapitulons, l'absence de contrat supérieur à 200KF est-elle éliminatoire cette année ? Bien sûr, ainsi cela nous fait 90% des candidats éliminés, quelle aubaine. Naturellement, le contrat doit avoir un seul signataire, le candidat. Vous voulez dire qu'il doit avoir fait le travail seul ? Enfin, pas du tout, au contraire voyons ! Ou avais-je la tête. Vous ne pensez pas que ce critère va à l'encontre des objectifs dits de "recherche fondamentale" au CNRS ? Mais si, justement, il faut que cela cesse ! Chers candidats, si il y a des cases ou vous vous sentez honteux de mettre 0, vous avez tort. Un peu de courage, cessez de vous comporter en veau sinon vous continuerez à être traités comme des veaux. L'avantage du "résume-type" c'est que maintenant vous savez exactement quoi faire pour obtenir la promotion rêvée : exploitez les moutons qui vous entourent, engagez les sur vos projets de recherche. Encore quatre ans et vous pourrez mettre des croix partout dans le formulaire. -Réunion. A celles où vous êtes convoqués, vous serez mis devant les faits accomplis. Aux réunions restreintes aux décideurs, il sera décidé de vous mettre devant le fait accompli. D'ailleurs plus la réunion est importante et moins on vous laisse le temps pour la préparer. Pour l'affichage d'un thème en vue du recrutement chercheur, on vous convoque la veille. Les jeux sont déjà faits. Vous le saviez, c'est tous les 2 ans que cela se passe, vous avez eu le temps de préparer votre projet personnel non ? Vos collègues se sont peut-être réunis sans vous il y a quelques semaines pour se rappeler à qui c'était le tour. Mais non ce n'est pas possible, vous délirez mon ami. -Rompus. Anagramme de "promus" s'appliquant aux rebuts (Rapport Quenet). -Rouge. Poste pouvant être attribué en urgence à un chercheur étranger pour un post-doctorat. Il peut-être réservé sur simple coup de fil, à condition que vous ne soyez pas n'importe qui. -Salaire. Le chef d'entreprise, c'est l'Etat, non pas le responsable de la PME de recherche où vous travaillez. Il n'y a en principe pas de possibilité de licenciement selon le bon plaisir du directeur local de votre entreprise. Songez que c'est un moyen de pression énorme qui disparaît. Notez cependant que l'attribution de certaines primes aux ingénieurs, techniciens et administratifs dépend du bon vouloir du directeur. Notez aussi que certains documents qui rendent compte annuellement de votre activité doivent être visés, signés, annotés par le directeur... - Saucisson. On se souvient comme C. Allègre a échoué dans sa tentative de réduction du nombre de sections (une quarantaine) du comité national de la recherche scientifique CNRS. Le CNU est lui aussi découpé en tranches, et la tendance serait plutôt à faire des tranches plus fines et compartimentées (tout en servant la soupe de la multi- ou de l'inrter-disciplinarité). Par exemple en 33ème section, peuvent se trouver confrontées plusieurs tendances, selon les universités, les labos de recherche concernés et les accords tacites. Un exemple,j'étais jusque là membre extérieur nommé de la commission 33 de l'U. du M. Traditionnellement, cette commission comprendlocalement et à parts égales, des membres élus et nommésde tendance "polymériste" et "solidiste". Les cloisonsentre les labos et d'ailleurs entre les sous-disciplines sont quasi-étanches - mais il faut bien sièger ensemble... Après élections, les membres élus se mettent en quête de proposer au président d'université des membres extérieurspour nomination. Notons au passage que des chercheurs CNRS locaux qui ne se sont pas inscrits sur les listes électorales sont considérés comme des extérieurs et peuventêtre nommés (depuis peu, mais c'est bien pratique, ces "extérieurs" à l'intérieur...). Et cette année là, une innovation est proposée. Les polyméristesse dispersent eux-mêmes en sous-tendances et aimeraient biense voir sur-représentés dans la commission lorsque c'est unequestion de polyméristes qui est en jeu. Et alors donc on imagine que des nommés "polyméristes" pourraient avoirdes suppléants "solidistes", et vice versa, ainsi donc, les titulaires nommés "solidistes" se désisteraient en faveur deleur suppléant "polymériste" au besoin, lorqu'un poste "polymériste" serait en jeu. On ne pousse quand même pas le bouchon jusqu'a réaliser des mariages solidiste-polyméristeparmi les membres élus titulaires et suppléants. Non, ce sort étrange est réservé aux nommés. Les élusont donc trouvé le moyen de rendre fusibles les "extérieurs" titulaires, et de dénaturer le sens du couple titulaire-suppléant puisque ces deux personnes sont censées être du même bord et en confiance...De là à se dire qu'au lieu de réduire le nombre de sections,il faudrait le doubler, au moins, il n'y a qu'un pas. Par exemple,la section 19 CNRS montre 3 sous-tendances : radiochimie, métallurgie et thermodynamique, chimie du solide et métallurgie. Un équilibre bien délicat à maintenir lorsqu'iln'y a en moyenne que 2 promotions possibles DR2-DR1 par an. On se souviendra qu'aux deux dernières séances, un radiochimiste avait été promu, il n'en est donc pas questionplus de 2 fois sur trois. Il est parfois inutile d'envoyer votre dossier...Des tranches plus nettes du saucisson, c'est ce que veulent les hommes de pouvoir local. Mais du salami épais, c'est ce qu'il faudrait (est-ce bien sûr après tout ?) pour une meilleure science. Deux positions inconciliables, quoiqu'il en soit. -Saupoudrage. La tendance est à l'éviter lorsque les crédits se font rares. L'équation est simple. Soient X les crédits et Y le nombre de chercheurs à saupoudrer. Il y a un seuil à partir duquel le rapport X/Y est à se tordre de rire. Les gestionnaires qui n'aiment pas être ridicules décident de travailler à rapport X/Y constant. Cela veut dire que si X diminue ou si Y augmente, la conséquence est que le chercheur de base ne verra les crédits que si il est chef de groupe/équipe, charge à lui d'être ridicule, parce que de toutes façons il ne pourra pas éviter le saupoudrage, lui. La notion de taille critique n'est pas sans rapport avec la valeur X/Y. On aura compris, je suis en réalité pour le saupoudrage, mais pour un saupoudrage direct : saupoudrez-moi, SVP. -Signature. Si vous l'avez, tout va bien pour vous (voir aussi crédits, dotation). -Soumission. Sous-entendu d'un article ou d'une proposition d'expérience ("proposal") à un Très Grand Instrument (TGE). -Sous-traitance. Le chercheur de haut niveau est surchargé au point d'avoir besoin de vous pour sous-traiter certaines tâches. C'est l'occasion d'apprendre le métier. Que des considérations bassement matérialistes en rapport avec les primes, par exemple, ne vous arrêtent pas. C'est de toutes façons un passage obligé car en recherche académique, pour être autorisé à faire quelque chose il faut déjà avoir fait cette chose et l'avoir prouvé. Pour obtenir l'habilitation à diriger des recherches, il faut avoir déjà quasiment dirigé des chercheurs. On peut appeler cela de la conduite sans permis, ou conduite accompagnée. Au moment de la création de la prime d'encadrement, un des critères était qu'il fallait avoir encadré deux thèses dans les quatre années précédentes. Vous pouvez retirer un bénéfice de ces actions ponctuelles en les soulignant dans votre rapport d'activité par une rubrique où vous signalerez les publications co-signées par vous qui correspondent à des chapitres de thèses ou des rapports de DEA d'étudiants et thésards avec lesquels vous avez eu des interférences. A moins d'une absence prolongée du directeur de thèse, il est peu probable qu'aucune de ces publications ne soit signée par seulement deux personnes. -Soutenance. Aucun rapport avec le milieu de la prostitution (voir thèse). Néanmoins une analogie avec ce milieu est possible par le biais des termes "tuteur", "directeur de thèse". La personne en état d'être tutorisée, dirigée, est de ce fait affublée d'un protecteur qui co-signera toute sa production... Il est donc rare qu'une personne sous protection soit contactée en raison de ses compétences. Autant passer par le protecteur, ou ne rien faire si l'on ne souhaite pas se retrouver avec deux personnes sur le dos pour le prix d'une. Voir interaction. Exercice: deux personnes travaillent et quatre co-signent l'article, que s'est-il passé ? Solution: deux directeurs de thèse se sont mis d'accord pour que le thésard de l'un collabore avec le thésard de l'autre. -Sujet. Il y a deux sortes de sujets de recherche: libres ou imposés, la recherche que vous décidez de faire, celle qu'on décide de vous faire faire. A vous de voir (aussi accueil). -Supplémentaire. Un chercheur passionné ou non voit sur son bulletin de salaire inscrit "calculé sur la base de 169h de travail". D'après mes calculs, si les heures supplémentaires étaient payées au prix fort, comme elles le sont pour mes collègues enseignant-chercheurs, je serais plus à l'aise. La maison mère est plutôt ravie que la passion des chercheurs les pousse à ce point, elle s'en vante parfois. Sur le terrain c'est un peu moins drôle, il vous faut résister aux sarcasmes de ceux qui en font le moins possible et essaient de vous convaincre que leur façon d'agir est la bonne. Des heures sup rémunérées ne sont possibles que pour des enseignants-chercheurs qui enseignent plus que leur compte (ou des chercheurs qui enseignent parfois). Ce n'est évidemment pas sans incidence sur la quantité de Recherche effectuée en milieu universitaire. Quelques chiffres pour l'UFR Sciences et Techniques d'une bien petite université de province : en 2000, environ 8 350 heures sup ont été payées pour un montant de 2 000 000 F. Approximativement pour l'année 2001, 10 000 seront payées. II s'agit là des 2/3 du bugget de l'UFR. Un budget qui du coup n'est pas employé pour soutenir les petites équipes de recherche. Le chiffre est en augmentation constante alors que simultanément, le nombre d'étudiants baisse. Mais c'est une autre histoire. Quoiqu'il en soit, ces 10000 heures sup entraînent un déficit en recherche d'au moins autant d'heures. En fait de beaucoup plus si l'on tient compte des temps de préparation des cours/TD/TP, et d'encore bien plus si l'on considére que ces heures sup entraînent un déficit de recrutement de 50 MdC... Moralité : les heures sup d'enseignement en université sont un fléau toléré par le Ministère, parce que c'est tellement moins cher que de recruter les personnels nécessaires. L'hypocrisie est ensuite de commenter sur une recherche déficiente... -Syndicats. Curieusement, les Commissions ne s'inquiètent pas de transmettre de compte-rendu de leurs réunions, les syndicats qui y ont des représentants élus s'en chargent... -Téléphone. La note du téléphone pourrait servir de critère pour déceler les chercheurs de haut niveau, ainsi que les bavards incorrigibles. -Temps. Il faut savoir que le temps du chercheur scientifique est de plus en plus pris par la rédaction et la mise au point des articles. Ceux qui ont des difficultés à rédiger une note sont condamnés. Les plus prolifiques sont gagnants. -Thèse. Entreprise rarement vouée à l'échec. Une mention très honorable est prévisible, le jury vous ajoute assez facilement ses félicitations. Songez que les membres du jury acceptent généralement de siéger avant d'avoir lu la thèse et qu'ils siègent parfois sans l'avoir encore lue. -Timbre. Il y en a d'au moins deux sortes dans les laboratoires, ils sont généralement contrôlés par le secrétariat et représentent une part non négligeable du budget de fonctionnement. Ces timbres (postaux et de demande de photocopie de document à l'INIST) sont un moyen de pression possible selon les consignes données au secrétariat par la direction. Tout courrier de votre part ou toute demande de document sont suspects d'être inutiles et de pouvoir passer par un autre circuit. Un collègue, devant le paquet de 22 lettres que vous souhaitez poster aujourd'hui, peut avoir un avis différent et "prendre sur lui" de recommander à la secrétaire de différer le collage des timbres jusqu'au retour du directeur du laboratoire pour avis. Vous n'y croyez pas ? C'est que, il y en avait bien pour 61F60 ! Merci, collègue. -Tiroir. Les fonds de tiroir cachent des trésors: tout ce que vous n'avez pas pu résoudre mais que vous gardez de côté car vous ne perdez pas espoir de pouvoir résoudre un jour. Avoir trop de fonds de tiroirs que vous n'abandonnez pas peut vous conduire à une saturation improductive. Si vous passez votre temps sans succès à réessayer constamment de trouver. Transmettre un problème non résolu à quelqu'un dont on pense qu'il y arrivera n'est pas du tout une démarche courante ni facile car c'est la divulgation de son échec et de son incompétence. -Toilettes. Il arrive qu'elles soient transformées en bureau. Renseignez-vous, c'est peut-être le cas des locaux que vous occupez. -Transfert. De technologie. A la mode, les technopoles et les pépinières de technologie fleurissent. Les PMI et PME peuvent y faire réaliser études et mesures. Le mécanisme est intéressant. Un jour, le chercheur lambda apprend en réunion que le Service de Transfert de Technologie (STT) récemment implanté dans son université est devenu "donneur d'ordre". En clair, cela veut dire qu'il est l'interlocuteur privilégié de tout demandeur et doit pouvoir transmettre une requête de prestation de service au laboratoire qui lui parait le plus adéquat, ce dernier est censé accepter a priori. A l'occasion, un semblant d'organisation peut être mis en place dans votre laboratoire pour y faire face et des plaquettes décrivant les services possibles sont éditées. Le schéma du transfert est le suivant: passage par le STT qui oriente vers le directeur du laboratoire concerné qui transmet au responsable pour le type de mesure envisagé qui passe le relais à l'exécutant de la mesure ; interprétation des mesures si demandé (c'est plus cher) et si possible; soit par le réalisateur de la mesure soit par le responsable du type de mesure soit par un expert quelconque ; remontée d'un rapport par tous les intermédiaires qui éventuellement modifient et ajoutent leur grain de sel. On comprendra qu'il arrive que l'exécutant et/ou interprète de la mesure ait par hasard en main le document final et constate que cela n'a plus qu'un lointain rapport avec son rapport initial. Avant l'apparition de ces centres, les transferts existaient, avec beaucoup moins d'intermédiaires. Dans le cas où le centre est équipé des moyens de mesure et possède ses propres experts, cette situation antérieure se retrouve. L'avenir est donc au double appareillage probable sur une université, avec concurrence entre le STT et les laboratoires pour obtenir des crédits qui, eux, ne vont pas doubler. Les thésards ayant une bourse d'origine industrielle peuvent faire résoudre des problèmes relatifs à leur thèse par cette voie dans un laboratoire universitaire sans que leur nom n'apparaisse à aucun moment dans la demande adressée au STT par un service recherche-développement. Le rapport peut bel et bien figurer comme chapitre de thèse. Ce n'est plus de la formation à ni même par la recherche, car tout se passe en l'absence du thésard. Transversal. Alors que l'horizontalité est largement
découragée (sauf lorsqu'il s'agit de la posture vis-à-vis
du supérieur hiérarchique), la transversalité, qui constitue
la version noble de l'horizontalité, est largement recommandée:
elle permet d'accroitre l'étendue de pouvoir sans avoir à rendre
de comptes, en déjouant l'expertise, (augmentant encore la circularité
de l'évaluation) et permet de s'accaparer des services communs pour
ses propres recherches. - Tutelle (patriarcale). Lu dans "Formation par la Recherche"
N°79, p. 5, lettre de l'ABG (http://www.abg.asso.fr/, au sujet de réformes
en Allemagne : "La création de postes de "professeurs juniors" permettant
d'assurer l'indépendance financière et scientifique de jeunes
chercheurs de 30-35 ans et la suppression pure et simple de l'habilitation
(examen d'accès au professorat intervenant à 42 ans en moyenne)
marquent, selon le ministre, l'abandon du système de la "tutelle patriarcale".
"Le non-sens selon lequel les jeunes docteurs manquent de maturité
et doivent poursuivre leurs recherches sous la supervision d'un "Maître"
plus âgé pendant encore quelques années sera abandonné."
http://www.crisinternational.org/proj-projtalent.html -Valse des thèmes et des responsables. L'intitulé même du laboratoire participe à la sarabande. Tout a un début et une fin -Vérité. Dans "Toute vérité est bonne à dire", Claude Allègre parle des index de citations, pages 218-219. Laurent Joffrin lui demande pourquoi on ne les rend pas publics. Claude Allègre répond qu'en France on n'a pas le droit. Il est quand même évident que le ministère a parfaitement le droit de les acheter à l'ISI. On peut penser que c'est ce qui a été fait, étant donné que C.A. n'ignore rien en ce qui concerne les mathématiciens, chimistes, biologistes (etc) Français les plus cités. Il dit d'ailleurs qu'en Sciences de la Terre, un Français est second. Laurent Joffrin lui demande "des noms", et C.A. lui répond "cherchez-les vous-même". Je ne peux que supputer que le Français second en Sciences de la Terre est C.A. lui-même, en toute modestie. Et donc, la loi Informatique et Liberté ne serait pas claire à ce sujet, et c'est ce qui ferait que ces listes de chercheurs les plus cités ne pourraient pas être rendues publiques en France. Il est de notoriété publique que certaines listes ISI (en chimie et physique) ont été rendues accessibles par un consortium de chercheurs Français qui se sont associés pour les acheter. Et d'ailleurs le ministère et le CNRS contactés en 1997 pour participer à l'achat de ces listes n'ont jamais donné suite (pourtant ces listes ne coûtaient à l'époque que 1000 US$ pièce). Ce n'est pas ce qui a empêché le CNRS de mettre un lien hypertexte de son site Web du Département de Chimie vers le site où ces listes sont encore et toujours consultables. Aucun des 10858 chimistes les plus cités dans la période 1981-1997 n'a porté plainte en réclamant la fermeture du site, ouvert depuis 3 ans, et comptant des dizaines de milliers de visiteurs annuels. Les listes consultables sont malheureusement de plus en plus obsolètes car elles n'ont pas été mises à jour par manque de moyens. Elles rendent cependant encore certainement service à ceux qui cherchent un point de chute pour effectuer un post-doctorat, entre autres. Il y a une certaine hypocrisie sous-jascente à déclarer ces éléments d'évaluation comme hors-droit français mais à les utiliser néanmoins. -Vertical. Nature d'un thème de recherche digne d'existence officielle et donc d'un responsable. S'oppose au thème horizontal dont les retombées sont susceptibles d'arroser tous les thèmes verticaux. Travaillez dans un thème déclaré horizontal (mise au point de méthode...), vous aurez des problèmes à le faire reconnaître, en fait vous serez probablement classé dans les "services communs". - Virtuelle. Thetys, c'est l'Université Euroméditerranéenne sans Mur basée à Marseille : http://www.mediterranee.univ-mrs.fr/tethys/ Belle unité géographique. Mais quelle langue parleront-il ? La tour de Babel est tombée mais les traducteurs automatiques de poche ne fonctionnent pas encore en reconnaissance de parole et en simultané. Alors, l'anglais ? L'Université Virtuelle des Pays de Loire apparaît d'un seul coup bien étriquée. Aurait-il fallu une Université de l'Arc Atlantique sans Mur ? Ce serait du réchauffé puisque le mur de l'Atlantique est déjà tombé plus ou moins facilement il y a 55 ans, les lorientais s'en souviennent. Ou bien plus vaste, une Université Virtuelle de l'Atlantique ? Cela ferait du monde, et de quoi concurrencer Thetys. L' Arc Atlantique a été utilisé au niveau européen pour pallier à toutes sortes de manque de munitions. Mais les stratégies géopolitiques s'usent lorsque l'on s'en sert, et il faut de nouveaux concepts pour repartir à la chasse aux subventions. Cela semble bien être la grande question du moment. Qui récupérera le plus gros pactole sur l'idée la plus délirante... Car l'EAD est supposé se moquer des frontières terrestres ou maritimes, ou bien je me trompe. -Vivier. Les nouveaux enseignants-chercheurs et chercheurs y sont pêchés à l'épuisette par les responsables. Il y a du déchet. Des dérogations autorisent des recrutements après la limite âge, il y a des ex-déchets rescapés. Certains peuvent revenir de loin : chômage éventuellement longue durée faisant suite à un doctorat de 3ème Cycle, expatriation pour qu'enfin vous soyez trouvé assez bon pour le service. ConclusionMon temps d'immersion (25 ans) dans le système de la recherche est trop court et la logique de bien des choses m'échappe (cet ouvrage est donc le fait d'un vieux débutant peu au courant des réalités et manquant de pragmatisme ; le lecteur pardonnera la naïveté et l'idéalisme sous-jacents). J'ai eu cependant le loisir de constater une évolution. Les nouveaux entrants ont tendance à penser que les conditions de travail ont toujours été dans l'état où ils les observent et que, si il y a eu évolution, c'est dans le sens de plus de démocratie, de justice. Ce n'est pas si sûr. Je soutiens que se prépare, pour la recherche académique, une évolution vers une rationalisation et un contrôle des objectifs peu favorable à l'initiative individuelle et à la liberté du chercheur (public) de choisir l'objet de ses études. Le soucis de rentabiliser l'argent public est un prétexte séduisant. Mais jusque là, c'est son autonomie relative qui distinguait le chercheur du public de celui du privé (ainsi que son salaire). Vouloir rogner cette autonomie (exorbitante et jalousée) c'est bel et bien aller vers la privatisation de la recherche publique, c'est aller vers le moule unique.Pour en savoir plusQuelques livres ou articles aux titres évocateurs, pour certains:Allègre, C. Toute vérité est bonne à dire, Robert Laffont, 2000. Bourdieu, P., Homo Academicus, Les Editions de Minuit, 1984. Campanario, J. M., Consolation for the Scientist: Sometimes it is Hard to Publish Papers that are later Highly-cited, Social Studies of Science, 23, 342, 1993. Deheuvels, P., La recherche scientifique, Presses Universitaires de France, Coll. Que sais-je ? 1990. Dermer, M. L., An insider's guide to choosing a graduate adviser and research projects in laboratory sciences, Journal of Chemical Education, 70, 303-306, 1993. Edward, J. T., Be Cited or Perish, Chemtech, pp 534-539, September 1992. Friedberg, E., Le Pouvoir et la Règle, Seuil, 1993. Friedel, J., Graine de Mandarin, Odile Jacob, 1994. Gregory, M. W., The infectiousness of pompous prose, Nature 360, 11, 1992. Grinnell, F., The scientific attitude, Second Edition, The Guilford Press, New York,1992. Joule, R.-V. & Beauvois, J.-L., Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens, Presses Universitaires de Grenoble, 1987. Lawrence, P.A. & Locke, M., L'asphyxie programmée de la science, La Recherche, 301, 31-32, 1997. Maris, B., Les sept péchés capitaux des universitaires, Albin Michel, 1991. Muzard, M., Ces grands singes qui nous dirigent, Albin Michel, 1993. Perec, G., Experimental demonstration of the tomatotopic organization in the soprano (Cantatrix sopranica L.). Taubes, G., Measure for Measure in Science, Science, 269, 884, 1993. Watson, J. D., Succeeding in Science: Some Rules of Thumb, Science, 261, 1812, 1993. Zuckerman, H., The Sociology of Science, Ch. 16 in the Handbook of Sociology, 1988. Zuckerman, H., The Proliferation of Prizes: Nobel Complements and Nobel Surrogates in the reward system of science, Theoretical Medicine 13, 217, 1992. Et aussi :L'évaluation dans l'administration, Presses Universitaires de France, 1993.Science as practice and culture, Edited by A. Pickering, The University of Chicago Press, 1992. Science, pouvoir et argent, Editions Autrement, 1993. A la recherche du temps de travail, dans Les fromages de la République, Les Dossiers du Canard, 85, 1993. La recherche universitaire à l'aune internationale, Le Monde du 9/7/92. La règle du jeu universitaire, Le monde du 10/7/92 Des publications avriliennes, Pour la Science 174, 10, 1992. Adressez vos chèques (peu importe le montant) à : A. LE BAIL, L'auteur ne saurait être tenu pour responsable des conséquences de la lecture de ce document insalubre. Il se réserve le droit de modifier le texte sans préavis. |